Ecrittératures

30 avril 2022

POUR OSMAN KAVALA

Osman Kavala

****

L’emprisonnement à vie d’Osman Kavala décidé, sans faits avérés, par un juge affilié à l’AKP, vient de donner une fois de plus la preuve que la République de Turquie ne pratique en rien la séparation des pouvoirs que tout pays dit européen est tenu d’appliquer. Sourd aux idéaux institutionnels reposant sur le droit, mais attaché à son égocentrisme nationaliste, le président turc a même le culot de se sentir humilié par les bouderies des Européens devant les multiples tentatives faites pour être accepté parmi eux et se constituer ainsi une virginité qui effacerait d’un trait tout négationnisme, emprisonnement arbitraire, massacres et autre occupation illégale d’un territoire.

Pour chaque citoyen européen, cet emprisonnement arbitraire, voulu par le président en exercice et exécuté par juge interposé, est la goutte d’indignation qui fait déborder le vase des indignités.

C’est bien connu. Tout démocrate est la bête noire de l’autocrate qui ne règne que par la terreur. Et c’est même à ça qu’on le reconnaît.

Outre Osman Kavala, les prévenus Mücella Yapici architecte, Çigdem Mater, documentariste, le militant des droits civiques Ali Hakan Altinay, la réalisatrice Mine Özerden, l’avocat Can Atalay, l’universitaire Tayfun Kahraman et le fondateur d’ONG turques Yigit Ali Emekçi, ont été condamnés à dix-huit ans de prison chacun, pour complicité du même chef d’accusation.

Affirmer sans preuve que ces citoyens turcs cherchaient à «  renverser le gouvernement de la république de Turquie » pour soutenir qu’ils seraient à l’origine des manifestations antigouvernementales du parc Gezi, à Istanbul, au printemps 2013, est une condamnation qui provoque la colère quand on sait que les accusés défendent une république républicaine contre les agissements d’une démocratie autocratique.

En tant que citoyens européens, nous demandons aux instances européennes de considérer comme infréquentable un président qui pratique le double langage, dont le seul intérêt est de défendre ses propres ambitions, quitte à manger à tous les râteliers, quitte à cracher dans toutes les soupes, pourvu que ses pions avancent et que ses appétits se concrétisent.

En tant que citoyens européens, nous demandons que les sanctions appliquées à l’autocrate Poutine n’épargnent pas l’autocrate Erdogan. Si l’Europe ne supporte pas le sang qui souille le gaz russe, pourquoi continuer à considérer comme acceptable une Turquie malade de ses peurs, de son arbitraire, de ses visées expansionnistes, tandis que son histoire aujourd’hui est aussi sanguinaire que celle d’hier. Aujourd’hui l’Ukraine envahie par un despote impérialiste comme le furent la Tchétchénie, la Syrie et la Géorgie, demain quel autre pays après Chypre, la Syrie par celui qui n’en fait qu’à sa tête en supprimant celle des autres ?

Il faut sauver Osman Kavala, Mücella Yapici, Çigdem Mater, Ali Hakan Altinay, Mine Özerden, Can Atalay, Tayfun Kahraman et Yigit Ali Emekçi…

*****

*

Démocrates turcs et génocide des Arméniens (8) : Osman Kavala

1 – Homme d’affaires turc, Osman Kavala, né à Paris en 1957, appartient à une famille originaire de la ville grecque de Kavala, (annexée en 1913), et qui, en 1924, après la chute de l’Empire ottoman, viendra s’installer à Istanbul. Après des études en sciences sociales à Ankara à la fin des années 1970, il part étudier les sciences politiques et la sociologie à Manchester et passe près d’une année à New-York dans les années 1980. Rentré à Istanbul, en 1982, il reprend les affaires familiales au décès de son père, héritant avec sa famille l’une des plus importantes fortunes de Turquie. A partir de 1985, il se rapproche des milieux culturels fréquentés par l’intelligentsia.

2 – En 2002, Osman Kavala crée Anadolu Kültür, afin de promouvoir des activités culturelles et faciliter des collaborations artistiques à Istanbul et en Anatolie. Dans ce but, des centres culturels seront ouverts à Diyarbakir et à Kars. Dès lors, seront mis en œuvre des échanges avec des artistes et institutions culturelles d’Arménie, en 2005, ainsi qu’une plate-forme commune de cinéma et des recherches en histoire orale. Un orchestre symphonique formé en juillet 2010, composé de jeunes musiciens des deux pays, a pu donner un concert à Istanbul et à Berlin. Anadolu Kültür a coproduit la pièce de Gérard Torikian, Le concert arménien ou le proverbe turc, (jouée à Diyarbakir et à Istanbul en novembre 2009) et Chienne d’Histoire, film d’animation de Serge Avédikian (2010).

3 – Au surlendemain des commémorations du génocide des Arméniens dans le monde et à Istanbul, Osman Kavala, directeur du Centre culturel DEPO, accueillit l’exposition d’Antoine Agoudjian intitulée « Les Yeux Brûlants » du 26 avril au 5 juin 2011. Avec Osman Kavala, avouera Agoudjian, « nous avons spontanément éprouvé l’envie d’agréger nos énergies, rejetant délibérément nos appréhensions, ayant pour seule motivation le vœu d’ouvrir une brèche face au rempart sectaire de l’obscurantisme pour enfin devenir les initiateurs d’un dessein utopique, celui de rendre pas à pas audible une voix qui ne l’était plus depuis 96 ans en Turquie ».

4 – Le 25 octobre 2014, lors d’un symposium organisé par la Fondation İsmail Beşikci de Diyarbakır intitulé « Diyarbakır et les Kurdes en 1915 », avec l’avocat Erdal Doğan et le coordinateur en charge du projet, Namik Kemal Dinçer, Osman Kavala a partagé ses réflexions sur le travail à mener par la société civile turque en vue d’une reconnaissance du génocide de 1915, problème devenu international, car la diaspora arménienne fait pression sur la Turquie par le bais des gouvernements et parlements d’autres pays. En ce sens, il estime que la démocratisation de la Turquie et la réparation de cette injustice historique constituent deux priorités tout à fait conciliables.

5 – Par ailleurs, lors de réunions récentes, des amis de la diaspora auraient précisé que la priorité sur la reconnaissance du génocide était d’établir des liens plus normaux et plus étroits avec leur terre ancestrale, de manière à pouvoir maintenir leur identité. Osman Kavala ajoute : « Tout comme nous considérons la «diaspora» comme constituée de «mauvais Arméniens», certains d’entre eux nous ont jugés de la même façon par le passé. Je pense qu’après le meurtre de Hrant Dink et le fait qu’une sensibilité nouvelle ait émergé au sein de la société civile, certains de ces préjugés revendiqués par la diaspora ont commencé à changer.»

Fiche extraite de la « Petite Encyclopédie du génocide arménien » (Geuthner, 2021)

24 avril 2022

GUERRE en UKRAINE. GUERRES en NOUS.

Filed under: ARTICLES — denisdonikian @ 5:58

scan dessin

Dessin de D. Donikian ( copyright)

*

Le monde est ainsi fait qu’il fait mal à qui cherche à l’entendre. Depuis l’invasion de l’Ukraine, nous avons théâtre ouvert sur les valses verbales des politiques destinées à mieux jobarder les gogos que nous sommes tous. Or, dans cet exercice de style, nos comédiens fauteurs de drames ou fouteurs de merde se trouvent dans les deux camps : Européens à gueule de bois d’une part, dictateurs à gueule de monstre de l’autre. La seule différence entre les deux groupes serait peut-être que d’un côté les criminels de guerre jouissent effrontément de leurs crimes, de l’autre les criminels de paix piétinent la morale universelle en coulisses. Mais ni les uns, ni les autres ne se soucient de leurs contradictions dès lors qu’ils mettent leur égoïsme national plus haut que toute considération éthique. D’où l’on voit que la défense de la patrie, de laquelle tous sont tributaires, implique forcément de n’être ni blanc ni noir, mais gris. Mettre du lait dans son café ou du café dans son lait n’a jamais été interdit à personne par personne. Sauf qu’en politique, habiller une vérité ou l’effacer d’un mensonge, travestir une réalité (la guerre) d’une expression inadéquate (opération militaire spéciale) fait qu’une telle propension à tromper conduit nécessairement à des morts d’hommes.

Parmi toutes les panoplies qui s’assimilent aux tenues de camouflage, il en est qui vous donneraient le tournis. Voici par exemple un Poutine qui déploie des soldats de la paix dans le Haut-Karabagh tant pour éviter un génocide que pour préserver les Arméniens des poussées invasionistes d’Aliev, et qui dans le même temps envahit délibérément l’Ukraine dans le but avoué de l’effacer comme nation. Certes, ce président oxymorien, pacificateur monstrueux s’il en est, ne trompe personne, dès lors que tous les moyens lui sont bons pour mettre la main sur les républiques de l’ex-URSS. Même si c’est avec un esprit fou de libération qu’il assèche l’Ukraine. Mais tout de même, force de stabilité ici et force de barbarie là-bas, ça vous laisse pantois plus d’un observateur qui cherche la raison en tout et la raison de tout et qui pourrait ne plus savoir sur quel pied danser. Pour nous, au contraire, nous dirons sans barguigner de Poutine qu’il reste un dictateur plus tueur que pacificateur. Osons-le mot : un « pacificatueur ».

Dans le même ordre de ruses s’inscrit le madré Erdogan, l’homme dont la langue fait la danse du ventre au gré de son autolâtrie patriotique plutôt qu’à se plier aux exigences du droit, qui ne s’empêche sur rien qui ne fasse du bien à son pays. Combien de fois n’a-t-il serré la paluche de son alter ego en despotisme Poutine, sans pour autant manger dans sa main. La preuve en est qu’il vend ses drones à Zelensky, bizness oblige, et qu’il prend même sa défense autant qu’il prend ses distances avec les Occidentaux en refusant de sanctionner les oligarques russes, sous prétexte que la Turquie resterait ainsi un pont entre un Occident punitif et une Russie agressive. Bizness oblige là encore et qui s’appelle faire d’une pierre deux coups. On voit donc un président envahisseur courir au secours d’un président envahi par un autre président envahisseur. Ce qui semblerait vouloir dire qu’Erdogan défende l’intangibilité des frontières. Que nenni ! En clair, défendre Zelensky en donnant la leçon à Poutine placerait Erdogan dans le camp des Européens s’il ne s’agissait en réalité d’un président dont le pays a fait avec Chypre ce que la Russie fait avec l’Ukraine. D’ailleurs, la présidente du Parlement chypriote ne s’est pas gênée pour faire remarquer à Zelensky en direct qu’il aurait été mieux avisé de rappeler que Chypre avait perdu plus du tiers de son territoire, sous-entendu à cause d’une Turquie avec laquelle il s’allie aujourd’hui. Zelensky n’a pas apprécié l’estocade et a interrompu son intervention. C’était avouer que lui aussi n’aurait d’autre morale que celle des intérêts stratégiques de son pays et qu’il était prêt à faire la putain pour sauver l’Ukraine.

De plus, dès lors que le monde civilisé crie au génocide en voyant à l’œuvre les intentions d’effacement que subit la nation ukrainienne, le négationniste Erdogan saute sur l’occasion pour courir se placer en défenseur des victimes dans le but à peine voilé de bousculer dans nos mémoires les horreurs de 1915. On peut même imaginer Zelensky et Erdogan à une même table de conférence, le premier affirmant que l’invasion russe s’accompagnait bien d’un génocide, le second renchérissant, index pointé au ciel : «  Un authentique génocide ». Où l’on voit que pour un négationniste semer le doute dans les esprits reste une des meilleures tactiques pour s’innocenter.

Admirable Ukraine, malgré tout ! Et qui se bat comme une lionne. Voir l’oligarque et ex-président Petro Porochenko en tenue de soldat servir sous la houlette de Zelensky, ça vous requinque une nation acculée à ses ruines. Mais l’image fait mal à l’Arménien que je suis. Elle fait mal à l’idée que l’Arménie n’a pas la conscience de ses priorités et qu’elle use et abuse du droit au désaccord démocratique dans une période de son histoire où seule l’unité dans la concertation devrait avoir force de loi. C’est qu’on voit mal nos oligarques en tenue de combat et mal nos ex-présidents avaler leur rancœur au nom de l’urgence et de la force qu’exige le péril azéri. Mais non ! Cette opposition qui fomente les pires menaces contre l’État arménien le fait pour satisfaire une soif de vengeance dont le seul but est de mettre en difficulté l’unique démocrate dont l’Arménie indépendante s’est doté depuis bientôt quarante ans. Non contents d’avoir transmis à Pachinian un état des lieux gangrené par la corruption, voici les Kotcharian, Sarkissian et autres salauds chercher à l’affaiblir pour qu’il soit le seul responsable des échecs futurs, sachant que toutes les solutions proposées pour sortir du guêpier où se trouve l’Arménie seront taxées de trahisons.

Or, il y aura forcément des « trahisons » dès que lors que toute solution à un problème aussi complexe que celui de l’Artsakh exigera nécessairement des concessions. Sinon, l’Arménie devra retourner à la guerre pour tenter de juguler les volontés ennemies par la force. Mais comme les Arméniens vindicatifs et querelleurs ne sont pas à une imbécillité près, les voici à convoiter le maximum de gains en croyant provoquer dans leurs rangs le minimum de grabuge. Comme si Aliev était assez décati pour avoir perdu ses prurits militaristes et ses érections guerrières. Mais ces Arméniens-là qui veulent tout sont en réalité des Arméniens qui ne peuvent rien. Ils oublient qu’ils seront bien obligés de déléguer à d’autres le soin d’accomplir le devoir patriotique d’aller au casse-pipe. En ce sens, les jusqu’au-boutistes de la diaspora n’ont rien à envier aux grincheux d’Arménie. Car enfin, quand on veut gagner une guerre, il faut des soldats. Or, nos soldats en ont soupé de ces revanchards et patriotards qui pérorent en distanciel faute de se battre en présentiel. N’est pas Pachinian qui veut. Car lui doit gérer les jeux pervers des fous qui composent aujourd’hui l’histoire tragi-comique de l’Arménie : Poutine, Aliev, Kotcharian, Sarkissian et tout le clan et bataclan des tordus patriotes qui forment plusieurs divisions de belliqueux impuissants. Sans parler de cette jeunesse dont il a besoin pour remonter le pays. Ni des Européens qui le poussent aux transactions.

Or, ces Européens, parlons-en ! Qui, durant la guerre de 2020, aurait pu croire qu’ils auraient acheminé des armes comme ils le font pour les Ukrainiens. D’abord, les Arméniens n’ont pas résisté aussi longtemps que les Ukrainiens. Pire, de nombreux officiers militaires n’auraient pas rempli correctement leurs missions, sans parler des violations criminelles présumées commises par nos forces armées (lesquelles restent donc à vérifier). Ensuite, Poutine n’aurait jamais accepté qu’un quelconque pays d’Europe viole son pré carré. Enfin, Aliev a trop de gaz et trop de pétrole pour que les Occidentaux cherchent à le contrarier. Et de fait, cette guerre en Ukraine se lit comme un théâtre inépuisable de faux-culs où les démocrates lancent ouvertement des anathèmes démocratiques et par derrière lèchent en douce le derche des autocrates. Or, c’est bien ce qui est arrivé. Le vendredi 4 février 2022, une délégation européenne s’était rendue en Azerbaïdjan en vue de diversifier les sources d’approvisionnement en gaz et réduire toute dépendance à l’égard des Russes dans un contexte de guerre éventuelle contre l’Ukraine. C’est dire que les Européens savaient qu’il fallait ménager un dictateur comme Aliev au cas où ils seraient dans l’obligation morale de sanctionner l’autre, à savoir Poutine.

Si Poutine, Erdogan et Aliev se valent en matière de violation du droit international, la petite Arménie ne bénéficiera pas de la colère que peut susciter ce dernier pour la bonne raison que les Européens ont besoin de se chauffer et de faire marcher leurs turbines. Qu’il y ait du sang arménien dans le gaz azéri et dans l’histoire de la Turquie ne suscite que des paroles indignées, mais des paroles de théâtre.

Dans le fond, la morale de l’histoire est que la morale est une putain qu’on pousse à se faire violer dans les lits les plus vils et que le pays arménien, tout démocratique qu’il soit, se résume au rôle du pantin dont les ogres et les Orques tirent les ficelles.

Pauvres Arméniens ! Dindons de la farce ici et dindons de la force là !

Denis Donikian

23 avril 2022

Dialogue de sourds (11)

Filed under: DIALOGUE de SOURDS — denisdonikian @ 5:00
rhume nature gens main

Photo de SHVETS production sur Pexels.com

*

– On a violé la Joconde !

-Et de qui sera l’enfant ? D’un Tchéchène je parie !

****

LIVRES à VENDRE sur l’ARMENIE et les ARMENIENS

22 avril 2022

Dialogue de sourds (10)

Filed under: DIALOGUE de SOURDS — denisdonikian @ 3:25
rhume nature gens main

Photo de SHVETS production sur Pexels.com

*

  • – Dans le fond, tous les pays se résument aux mêmes divisions.

  • – Les partisans du crayon contre les partisans de la gomme.

****

LIVRES à VENDRE sur l’ARMENIE et les ARMENIENS

21 avril 2022

Dialogue de sourds (10)

Filed under: DIALOGUE de SOURDS — denisdonikian @ 8:37
rhume nature gens main

Photo de SHVETS production sur Pexels.com

*

  • – Tiens un appel de Jean ! Mais comment est-ce possible ? Allo !

  • – Sabine ! Qui m’a mis dans ce cercueil ? Vous m’avez enterré ? Tire-moi de là ! J’étouffe Sabine ! J’étouffe !

****

LIVRES à VENDRE sur l’ARMENIE et les ARMENIENS

20 avril 2022

Dialogues de sourds (9)

Filed under: DIALOGUE de SOURDS — denisdonikian @ 5:19
rhume nature gens main

Photo de SHVETS production sur Pexels.com

*

– Haut les mains ! Baisse ta culotte !

– ….

*

LIVRES à VENDRE sur l’ARMENIE et les ARMENIENS

J’ai mal ! Je veux mourir ! ( 23 et dernière)

Filed under: J'ai mal ! Je veux mourir ! (pièce) — denisdonikian @ 5:09
lits d hopital blancs

Photo de Pixabay sur Pexels.com

23

Roubo : Alors, voisin, vous avez vu des alléluias, on dirait ? Les saints vous auront tiré des extases.

Dotzi : Pour ça, deux suffisent.

Roubo : Comment deux ? Je pensais que vous auriez baigné dans une mer de saints, une partouze de sanctus…

Dotzi : Eh quoi ? L’infirmière n’avait pas un poitrail débordé pour en contenir tant ! Mais juste ce qu’il faut, et où il faut.

Roubo : Ah ça ! Vous revenez de la grande ténébreuse et vous n’avez d’autre envie que de vous farcir les yeux, faute de vous remplir les paumes !

Dotzi : J’y suis rentré tous feux éteints et me voilà avec une forte envie de me dessaler.

Roubo : De vous dessouler, vous voulez dire ?

Dotzi : Quitter un désert, ça donne soif.

Roubo : Vous ne l’avez donc pas eu, le privilège de …

Dotzi : Pas eu, quoi !

Roubo : Le privilège de baigner dans l’amour…

Dotzi : Me souviens de rien…

Roubo : On revient donc à la case départ.

Dotzi : « J’ai mal ! Je veux mourir » ?

Roubo : Mais vous n’avez plus mal ! Et vous ne voulez pas mourir !

Dotzi : Ah ça non ! Plutôt crever !

Roubo : On vous a mis dehors et on vous a fait revenir sans encombre… On n’arrête pas le progrès.

Dotzi : C’est reparti pour un tour.

Roubo : Après la nuit, l’ennui…

Dotzi : Que vais-je faire de cette vie qui m’a été rendue ?

Roubo : Vous verrez bien. Vous avez toute la vie devant vous…

Dotzi : Toute la vie ? Comme vous y allez !

Roubo : Enfin, vous ferez ce que vous pourrez. Biner vos patates, par exemple.

Dotzi : C’est bien là le problème. C’est que je peux de moins en moins…

Roubo : Si au moins vous aviez vu l’amour dans votre nuit ! Mais non. Monsieur se balade dans l’au-delà et en revient comme il était avant. Ce n’est pas ce que disent les illuminés…

Dotzi : Je suis maudit alors ? Dieu n’a pas voulu de moi vu que je n’ai pas vu l’invisible.

Roubo : Dieu est mort pour vous.

Dotzi : Je n’ai pas dit ça.

Roubo : Mais si vous aimez tant tâter les seins, il faut dire que ça fait obstacle.

Dotzi : Le miracle n’est pas pour demain.

Roubo : Il y a du chemin à faire encore. Et nous avons toute la vie devant nous.

Dotzi : Qui sait jusqu’à quand la vie voudra encore de nous ?

Roubo : Qui sait ?

Dotzi : Qui sait si elle ne nous donnera pas encore la chance de mourir pour voir l’aube ?

Roubo : Qui sait ?

Dotzi : Mais que faut-il faire pour ça ?

Roubo : Mourir à la mort et sourire à l’amour…

Dotzi : Qui sait ?

Roubo : Et ne plus crier «  J’ai mal ! Je veux mourir ! »

Dotzi : Je sens pourtant que ça revient…

Roubo : Qu’est-ce qui revient ?

Dotzi : L’envie de…

Roubo : Infirmière ! Infirmière !

 

 

FIN

*

LIVRES à VENDRE sur l’ARMENIE et les ARMENIENS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

19 avril 2022

LIVRES à VENDRE sur l’ARMENIE et les ARMENIENS

Filed under: Uncategorized — denisdonikian @ 2:45

LIVRES à VENDRE sur l’ARMENIE et les ARMENIENS

Voir à droite, rubrique pages.

 

20220419_164854

 

Parmi les livres rares, ce dictionnaire de poche arménien, daté de 1865, et imprimé à Venise.

 

20220419_172604

18 avril 2022

Dialogue de sourds (8)

Filed under: DIALOGUE de SOURDS — denisdonikian @ 4:42

rhume nature gens main

Photo de SHVETS production sur Pexels.com

*

  • – Avez-vous bien mangé dans ce restaurant ?

  • – Les toilettes étaient très propres.

***

LIVRES à VENDRE sur l’ARMENIE et les ARMENIENS

J’ai mal ! Je veux mourir ! (22)

Filed under: J'ai mal ! Je veux mourir ! (pièce) — denisdonikian @ 4:36

lits d hopital blancs

Photo de Pixabay sur Pexels.com

22

(L’infirmière est revenue)

Roubo : Vous l’avez ?

L’infirmière : Avec cette pique, il devrait décoller comme un boeing.

Roubo : Allez-y ! Dans le gras de la fesse !

L’infirmière : Ne me troublez pas, sinon je pars en vrille.

Roubo : Estocade ! Et d’un coup sec ! Ne le pointez pas en douceur ! Faites ça avec foi et détermination. C’est un mort qu’on doit remettre debout.

L’infirmière : Pour l’instant, il est bien couché !

Roubo : Eh bien découchez-le, que diable ! Mettez-le au garde-à-vous !

L’infirmière : Je pique.

(L’infirmière pique. Quelques secondes passent)

Roubo : Alors ?

L’infirmière : Rien ! Ah si ! Il trépigne… Il s’ébroue… Et maintenant voilà qu’il se retourne. Il se frotte les yeux…

Roubo : Penchez-vous sur lui ! Bien bas. Le panorama de vos seins devrait lui assurer un atterrissage en douceur.

L’infirmière : Alors Monsieur Dotzi ! On se remet ? (à Roubo) Il fait le bébé qui vient au monde. Il semble contrarié. Maintenant il ouvre les yeux…

Roubo : On l’aurait arraché à son paradis on dirait.

L’infirmière : Quel jour sommes-nous, Monsieur Dotzi ? Un vendredi ? Un samedi ?

Dotzi : (Il murmure) C’est ça, un paradis…

Roubo : Attendez au moins que sa parole remonte à la surface !

L’infirmière : Qu’avez-vous eu au menu hier ?

Roubo : Mais vous délirez ! Laissez-le tranquille à la fin !

L’infirmière : Êtes-vous marié, monsieur Dotzi ? Comment se prénomme votre femme ?

Dotzi : Paradis…

Roubo : Qu’est-ce que vous lui chantez-là ?

L’infirmière : C’est pour tester sa mémoire. A l’école on nous apprend comment pousser le patient à se réapproprier son histoire. Il parle de paradis…

Roubo : Tout viendra à son heure. Inutile de le bousculer.

L’infirmière : Peut-être ! Mais il faut bien qu’il se remette en selle.

Roubo : Dites-lui de pousser dans ce cas, puisqu’il faut qu’il s’enfante.

L’infirmière : Avec lui, je pêche en eaux troubles pour l’instant. Il n’a que le mot paradis à la bouche.

Roubo : C’est un bon début. Un paradis vaut mieux que deux enfers…

L’infirmière : Monsieur Dotzi ! Monsieur Dotzi ! Quel jour sommes-nous ?

Roubo : Je l’ignore moi-même, avec tous ces brouillards qu’on a mis dans ma tête.

L’infirmière (à Roubo) : Alors, vous aussi ? Il va falloir qu’on vous repêche ?

Roubo : Qui sait ? Parfois j’ai des absences. Je me demande qui je suis.

Dotzi : ( Il crie) Des seins ! Des seins ! Mon Dieu ! Des seins !

Roubo : Tiens ! C’est le paradis qui lui revient, on dirait ! Vous voyez ! Vos années d’école sont bien moins efficaces que vos charmes !

L’infirmière : Qu’est-ce qui vous arrive, Monsieur Dotzi ? Vous parlez de paradis, de saints, de Dieu… Je n’ai jamais entendu ce genre de bouillabaisse de la part d’un malade. Il faut que j’en avise le médecin.

Dotzi : Seins ! Seins !

(L’infirmière s’en va)

Page suivante »

Propulsé par WordPress.com.

%d blogueurs aiment cette page :