Ecrittératures

30 décembre 2022

Solitude de ma sardine

Filed under: PROSE POESIE — denisdonikian @ 4:40

banc de poissons

Photo de Thiago Casst sur Pexels.com

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Au cœur d’un lit généreux, dans un hôtel clandestin, je tournais et retournais mon destin dans un bain de cauchemars. Un lit béant à dorures, avec des draps qui allaient de soie, dans un hôtel de luxe attifé de luxures. On m’y avait jeté en me changeant de chambre, trois étages plus haut, au niveau, semblait-il, où avaient cours toutes les libertés, jusqu’aux plus libertines. Or, ce lit, comme tous ceux de l’étage, probablement, avait l’étrange vertu de stimuler des fonctions physiologiques autres que celle du sommeil, sinon d’un sommeil mangé par des magies aussi sensuelles que stupéfiantes. J’en eus la preuve quand me tournant sur le côté gauche tout en soulevant mes paupières, j’aperçus deux longues jambes d’une femme hardie autant que radieuse, taillées en un V renversé et qui exhibaient en leur pic un triangle de velours grenat, de ce même velours qui lui couvrait les hauts fors les bras. Quoi, dit la femme, on se gave de sommeil, on se vautre chez les monstres, quand l’air appelle aux jouissances ? J’avais du mal à me reprendre tellement l’invite à la prendre frisait l’inhabitude. Dressée au-dessus de moi, drue comme un pic de saveurs, elle espérait dans ses calculs que j’entrouvris tous ses guichets et ces velours qui avaient l’air de rempart ridicule. Mais quel ne fut mon émoi quand on ne sait d’où venue, une naine apparut, grasse de port en vénus adipeuse, entrant sans y être invitée dans ce cabinet des intimités comme dans un moulin à confesse. La femme n’y prêta guère attention alors qu’il se produisit chez moi une étrange impression d’angoisse. Quoi, me dis-je, entre la naine graisseuse et la grande fine, laquelle au lit me viendra ? A moins que la naine ne me fût envoyée que pour donner plus de prix à l’autre et hâter ainsi la mise en œuvre des besoins. A travers la porte grande ouverte, s’entendaient des éclaboussements rieurs, des jaillissements joyeux, tout un monde affairé au jeu d’un grand embrassement. C’est alors que me fut révélée, à la lumière de ma lampe marquant 7 heures 45, ma solitude de sardine.

Extrait de : Solitude de ma sardine

Aphorisme du jour (184)

Filed under: APHORISMES — denisdonikian @ 4:36

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Si l’amour est la grande affaire des humains, la liberté d’aimer est sa sœur.

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homme amour gens gay

Photo de Anna Shvets sur Pexels.com

29 décembre 2022

Nous avons vécu dans la peur…

Filed under: PROSE POESIE — denisdonikian @ 4:56

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( Graphe d’Alain Barsamian)

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Nous avons vécu dans la peur

Sous l’empire du sacrifice

Des siècles en espérant le salut

Nous avons vécu sans vie

Le crime au ventre et le ventre en cris

Sous le bruit des galops

La clameur des salauds

Le rire des sanguinaires

Vécu trompés vécu tronqués

Pour que la terre à nous donnée

Sois réduite à nos cendres

Mais les noces viendront

Noces du sang et du sens

Et ceux qui ont violé le Verbe

Sa puissance du Vrai

L’union des siècles de lumière

Les rendra au rang des rats avec la boue

DD

Des CONS et de la CONNERIE (46)

Filed under: Des CONS et de la CONNERIE — denisdonikian @ 11:14

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La seule philosophie du con est le bon vin, la bonne bouffe et les bonnes femmes.

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hieronymus

28 décembre 2022

L’aube du paralytique

Filed under: PROSE POESIE — denisdonikian @ 10:21
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 Christ of St John of the Cross Dali, Salvador (1904 – 1989, Spanish) Spain, Port Lligat.

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Roy marchait le nez dans le caniveau, ce jour-là qui était un lundi mi vert de gris mi chair de poule tandis qu’il s’apprêtait à franchir la porte du magasin où il avait coutume d’acheter fruits autant que légumes vierges de peste et venin. Mais difficile à Roy d’éviter la sentinelle figée, du genre statue de pierre, d’un côté de la porte, et parfois de l’autre. Un gueux d’Europe centrale pourchassé par les calamités politiques et venu s’échouer sur ce parking où s’accumulaient les voitures de simples gens cherchant à se nourrir loin des grandes bâfreries pestiférées. Le pèlerin de misère fixa Roy par en-dessous, tandis que Roy laissait glisser son regard avec la ferme intention d’échapper à la gène d’une confrontation entre un affamé tiraillé par le manque et un tyrannisé aux soucis de santé. En moins de pas que trois, il entrait dans le magasin, libre enfin de ses choix. Mais pas si libre que ça, comme il le croyait. Au moindre de ses achats, l’autre lui mordait le bras. Une part pour moi, qu’il voulait dire. Les courses de Roy se firent de plus en plus infernales. Des rires lui fusaient sous le crâne, grevés d’ironiques remarques, propres à lui entraver le mouvement. Déjà des trahisons lui sabraient le cerveau. Il sentait monter en lui des effluves de générosité et des murmures d’empathie. J’ai bien de la vieille monnaie encombrante qui ferait probablement chez lui un grand feu de joie, se disait-il. Quelle monnaie ? qu’on lui répliquait aussitôt. Tu cherches à cacher dans les plis de ton gras ce billet de vingt euros que tu réserves à une de tes lubies secrètes, je parie ? Et moi qui n’ai rien à me mettre au gosier ! Roy approuva dans sa tête en feignant d’avoir entendu la leçon. La caissière, une Africaine qui se donnait des airs de reine avec des cheveux montés en termitière, semblait avoir perçu une trouble inquiétude avec une certaine pointe de paix sur les lèvres de Roy, dont le cabas pesait le poids de ses lâches finasseries. A peine Roy fût-il dehors que le gueux lui adressa un regard assez dur, propre à lui remonter les bretelles. Roy posa son sac et chercha longuement le billet de vingt euros perdu dans le labyrinthe de son portefeuille. Et au moment fort où il le tendait mollement à l’homme, il sentit monter de sa main une électricité qui lui traversa le bras et qui vint irradier toute sa carcasse. Tellement que tout son corps s’éventra, qu’un chant inaudible vint désassombrir ses chairs. Il oublia un instant qu’il était Roy, marié à Rinette, père de trois enfants : Pier, Bowl et Lucy et d’un chat à poils blancs, noirs et gris nommé Fuki. Et il leva la tête à l’instant précis où du ciel qui se fendait en quatre jaillit un glaive de lumière qui vint baigner sa main donneuse. Sa tête s’épanouit en fleur de cactus, son œil suça des vérités célestes et sa bouche muette fit glouglouter dans sa gorge des ébullitions de joie. C’est alors que, se dirigeant vers sa voiture, Roy crut marcher sur les flaques d’eaux sans même y tremper ses semelles. Tiens ! Tiens ! se dit-il.

Extrait de : L’aube du paralytique

Des CONS et de la CONNERIE (45)

Filed under: Des CONS et de la CONNERIE — denisdonikian @ 9:44

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Le con croit habiter sa maison en ignorant que sa maison hante sa raison.

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( Graphe d’Alain Barsamian)

27 décembre 2022

Ma pomme au Panthéon

Filed under: PROSE POESIE — denisdonikian @ 3:52

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( Graphe d’Alain Barsamian)

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«  Gulem’remi yussa afri der in’kanader me ? » La femme, toison bouclée et robes multiples à multiples à couleurs, sortie d’un trou d’air comme un crabe d’une bulle de sable mouvant me prenait probablement pour l’un des siens à me parler dans sa langue maternelle. « Gulum gulum gar gulum’der », lui répondis-je avec l’aplomb d’un gars de son village. Or, voilà qu’elle paraissait comprendre ce que je venais de merdoyer de la bouche en laissant glouglouter mon esprit sans vergogne. Elle fit quelques pas dans une direction que mes gargouillements semblaient lui avoir indiquée, puis rebroussa chemin l’air fripé par l’inquiétude. « Gour gelde bir sana kom sana », fit-elle comme mettant en doute ma bonne foi. Je m’insurgeai : « Gari kherteri yokha serteri ! », fis-je en exhibant une moue contrariée. Elle ouvrit de grands yeux, puis laissa ses mains fouiller sous ses jupes à la recherche d’une chose qui lui paraissait précieuse. Elle me montra un bout de papier qui portait une écriture à mes yeux totalement hiéroglyphique. « Bir douri ? » me demanda-t-elle. «  Bir douri. Bir douri », fis-je pour la rassurer. Cette fois, elle partit dans la direction opposée à la première. Et c’est comme ça que, toute à son idée, elle traversa la rue. Comme un taureau passant par là un gros camion la percuta. La dame s’étala et son mystère régala de sang le goudron. Les yeux éteints, la bouche éteinte et sa vie qui planait au-dessus, titubant entre le désir de rester pour restaurer et la nécessité de porter l’inconnue dans les nues. « Mais quelle langue parlait-elle ?  me dis-je. Aucune école d’aucun pays ne l’enseignait assurément. Probablement une langue en proie à sa disparition. »

Extrait de : Ma pomme au Panthéon

Aphorisme du jour (183)

Filed under: APHORISMES — denisdonikian @ 9:10

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Quelle amitié ne s’abime en amertume, qui espérait que votre ami d’enfance fût aussi l’ami de vos souffrances !

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( Graphe d’Alain Barsamian)

26 décembre 2022

Parution imminente en Arménie

Filed under: LIVRES,THEÂTRE — denisdonikian @ 3:34

En édition bilingue chez  ACTUAL ART,  Erevan, 2022,

Travail graphique :  Mkrtich Matévossian

Théâtre :

Le bouboulik de Michel-Ange

Trois grâces

En quête d’apocalypse

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Layout 1

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Traduction en arménien de Hasmik Torozyan

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Cyclone de sang

Filed under: PROSE POESIE — denisdonikian @ 3:09

 

 

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Rêve causé par le vol d’une abeille autour d’une pomme grenade, une seconde avant l’éveil,

de Salvador Dali, 1944, huile sur bois, 51 x 41 cm

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La charge fut brutale. D’un jaillissement de vapeurs, d’un crachement de cendres, dans mille fracas de roches, surgirent comme des gueules de requins vomissant sur nous des fureurs de tigres et ces tigres eux-mêmes éructant des salves de feu et des laves de sang. Une profusion de férocités bondissant toutes griffes dehors. Et moi, petit corps, j’étais submergé par le brouhaha, serré de toutes parts par le pire et mon âme poussée à sa chute. Toutes ces choses fortes et folles dotées d’yeux exorbités, de crocs en lames d’acier, de serres saillantes et saignantes. Cris, râles, rugissements dans un roulis qui n’en finissait pas d’ébranler le ciel. Nos glas se déglinguaient dans les airs, se jetant des messages d’alerte et de panique, tandis que les grondements s’abattaient sur nos montagnes et sur nos hommes et que les nuages grouillaient par milliers en sacs rouge sang. Bientôt, des sortes de serpents ailés furent lâchés, et d’autres bêtes féroces sortant d’on ne sait quelles tripes de tempête et qui semblaient d’un âge où les hommes commençaient à peine à se former. Des animaux venus des enfers, avec des cornes à mille pics, tels qu’on n’en n’avait jamais vu. Un déluge de sauvageries, une tyrannie d’horreurs qui déferlaient sur la terre que nous habitions, où nous avions semé l’orge et le blé, planté la vigne et édifié des églises. Car cette crue de cruauté survenait avec la fureur des vieux instincts qui font désert de tout. Et nous n’avions à leur opposer que la faiblesse de notre naïveté et de nos engourdissements nés des mollesses d’une vie doucereuse.

Extrait de : Cyclone de sang

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