Il a suffi de dire « Barev dzez ! » pour amorcer la conversation.
De loin, nous avions aperçu un troupeau de vaches paissant sur le rivage. Et nous avons avancé vers lui. Le ciel faisait briller les verts du lac et des collines.
Un chien blanc s’approcha de nous, nous zieutant d’un œil torve. L’homme lui ordonna de rester tranquille. Fort, une barbe de plusieurs jours, un bâton à la main, il vint à nous. On sentait bien que sa vie était calquée sur celle de ses vaches. Il leur était voué comme au meilleur de son bien. Il nous expliqua du quel côté était l’église que nous cherchions et montra des émergences perdues au loin au milieu des eaux. « Prenez par les collines, fit-il. Mais plutôt vers la droite, sinon vous serez obligés de grimper et de descendre. Ensuite coupez à travers champs. »
La femme est venue. Nous étions une curiosité dans leur monotonie. Elle portait une veste de militaire avec des taches de camouflage. À peine si elle avait eu le temps de se peigner. Quelques dents lui manquaient. Ses cheveux étaient comme une laine blanche de mouton, ceux de l’homme luisaient autant qu’un noir d’obsidienne, mais parcourus de fils argentés. Tous deux avaient des mains fortes et des visages pareils à leurs collines harassées par le soleil. Ils semblaient heureux de cette rusticité. C’était l’endroit de leur vie où s’inscrirait probablement leur mort. Nous aurions dû parler davantage. Or le temps nous pressait de rejoindre l’église engloutie. Comme si les pierres valaient plus que les hommes.
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Photo Denis Donikian copyright