C’est un livre. Il réunit des rages et des rires. Et chose rare, c’est un livre arménien. Mais pas un livre fait pour obtenir le prix Aznavour, ni le prix Henri Verneuil. Un livre qu’on n’invitera pas à notre radio naphtaline, celles qui conserve les mythes, mémorise la mémoire et fait du boniment pour nous vendre sa soupe. C’est pourquoi, ce livre ne se vendra pas. Ceux qui voudront l’acheter éprouveront un certain scrupule à le faire. Pourquoi ? Parce que c’est un livre frais. Et un livre frais est un livre vrai. Il agit comme un miroir. Il vous montre le devant et le derrière des Arméniens, les faux culs de la vertu et de la pensée qui répond aux ordres.
Alors, en vérité, je vous le dis. Qui l’aura ce livre fera rire la part humaine de sa personne et pleurer la part arménienne de son humanité. Même si à 15 Euros, port compris on a tout ça réuni, les chroniques de celui qu’on surnomme à mauvais escient « la mouche du coche », comme si l’auteur avait l’outrecuidance de penser que ses piques faisaient avancer le char de notre magnifique Arménie.
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Denis Donikian, L’Arménie, à coeur et à cri, Collection ZOOM ( Actual art, Erevan, 2016, 296 pages), 15 euros,port compris, disponible seulement chez l’auteur. ( Denis Donikian, 4 rue du 8 mai 1945, 91130, Ris-Orangis)
(Couverture : oeuvre de D. Donikian : Venus)
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Avant-propos.
Les textes du présent recueil proviennent de notre blog ÉCRITTÉRATURES. Ils ont été classés selon des thématiques qui reflètent les constantes d’une même indignation. En effet, ils sont nés du contact avec une réalité politique fondée sur le mépris : mépris des personnes et mépris de la raison. C’est pourquoi leur ton oscille entre celui du tragique et celui de l’humour. En effet, on ne peut que pleurer sur les conséquences d’une politique délétère et rire des stupidités dont certains de ses représentants s’enorgueillissent. Sachant toujours que ce sont les plus démunis qui subissent les contrecoups de décisions arbitraires ou de mythes absurdes qui vont à l’encontre de toute démocratie ou de toute sagesse. Dans ce sens, nous espérons que le lecteur se rendra compte de la délectation qui a présidé à l’écriture de ces lignes dont l’irrespect constitue avant tout une manière de tenir son humanité devant la monstruosité de certains dignitaires ou de certaines attitudes. C’est que les hommes campés dans le sérieux de leurs fonctions officielles, souvent usurpées, ou dans la fierté de l’image qu’ils ont d’eux-mêmes, tendent naturellement à des comportements ridicules, honteux et parfois criminels. Les courtisans qui se font manipuler au prix de leur propre lâcheté et au nom d’intérêts ou d’idéaux qu’ils tiennent pour supérieurs donnent les coudées franches à ces personnages placés au pinacle. Le peuple n’a alors que sa voix pour crier, ses bras pour se défendre des coups et sa rancœur pour lot quotidien. De la sorte, ces textes pourraient être lus comme l’expression d’une voix rebelle à toute allégeance, s’ils n’étaient avant tout et simplement une voix qui choisit d’échapper à la bêtise.
Dans le fond, quelque chose qui est au-delà nous oblige parfois à écrire. Cette chose domine dans notre esprit les noirceurs que nous impose la réalité. Si l’écriture est un absolu, c’est par cet horizon de sagesse et de sérénité qu’elle vise en permanence tandis qu’elle s’exécute à démêler les enfermements qui étouffent la petite humanité qu’elle a prise pour sujet. En l’occurrence, notre Arménie ne se confond pas avec celle qui empêche tant les Arméniens d’être heureux qu’ils lui préfèrent les incertitudes de l’exil. On lira donc ce que nous écrivons sur les Arméniens comme la chronique, dans un temps donné, des tribulations d’un peuple dont on nie qu’il fut par le passé massivement assassiné et qui de nos jours cherche sa liberté et son bonheur tandis qu’on le viole par les urnes. Peuple méprisé hier par les autres, méprisé aujourd’hui par les siens. Certes, l’écrivain n’est censé apporter le salut à personne, mais il contribue à diluer de ses mots le noir dans lequel nous sommes tous plongés.
(Janvier 2016)