Tigrane Sarkissian vu par Haroutyoun Tchalikian sur Arteria
26 février 2012
23 février 2012
Les indignés de Erevan
Actuellement a lieu à Erevan une manifestation qui mobilise des activistes de la société civile appartenant à la mouvance écologique. Un vaste espace vert qui donne sur l’avenue Machtots est utilisé, avec l’aval de la mairie, pour implanter des boutiques, cafés ou autres… Les armatures de ces établissements sont déjà dressées au nez et à la barbe des citoyens.
Les activistes estiment qu’ils n’ont pas été consultés alors que l’espace public appartient en premier lieu à la population. Mais le maire ne l’entend pas de cette oreille. D’un côté, il détruit les magasins qui enlaidissaient les trottoirs de l’avenue Abovian, de l’autre il n’hésite pas à autoriser des implantations qui réduisent de plus en plus ce qui fait le charme de Erevan à savoir ces espaces propices à la promenade, aux rencontres, à une végétation qui a déjà assez souffert au cours des années noires de l’indépendance.
L’indignation qui a enflammé les capitales européennes et qui a été à l’origine du printemps arabe travaille aussi les Arméniens, même si sa dimension semble nettement plus modeste et plus dérisoire. Toute une frange de cette jeunesse communique sur Facebook et maintient la pression dès lors que les autorités laissent déborder des prérogatives arbitraires en faisant fi des droits de la population. Déjà, l’implantation d’une exploitation de cuivre et de molybdène dans le Lori a soulevé des mouvements de protestation sans précédent. C’est dire que désormais les autorités prêtes à tout pour tirer profit de leur position, quitte à prendre certaines libertés avec les règles et les lois, vont devoir trouver en face d’elles des citoyens inventifs, sains d’esprit, prêts à défendre becs et ongles le bien de la collectivité contre des intérêts privés qui mettent la main sans vergogne sur tout ce qui peut rapporter gros.
Ce qui est réjouissant dans ce genre de manifestation, c’est qu’une partie de la jeunesse arménienne a décidé de ne plus s’en laisser conter, ni de se résigner devant la bêtise et l’audace des oligarques qui règnent en sous-main sur Erevan. Il s’agit là d’une réappropriation de l’espace civique par ceux qui en sont les premiers intéressés. Et en cela on peut dire qu’en Arménie l’espoir d’une société vivante et juste est encore permis. Car Dieu sait où demain ces mouvements vont encore rebondir tant en Arménie les sujets d’indignation tombent du ciel comme la pluie.
Denis Donikian
21 février 2012
In memoriam Bruno Hamazasp Sakayan (1)
( photo Serge E. Durman)
*
In memoriam Bruno Hamazasp Sakayan, mort du sida à trente ans.
Ces poèmes furent écrits en juin 1996
1
Entre nous il y avait peu de paroles Nous ne respirions plus
les mêmes jours Mais la même lumière coulée de mots sauvages
Plutôt que le pays son peuple éperonnait ton existence
Il n’avait plus pour moi ce poids de dieu M’acharnant plutôt à m’en décaptiver
Que reste-t-il là où tu es si loin que tu sembles perdu
Peut-être me vois-tu en train d’écrire sur toi absent ces pages
Absent / errant autour de nous murés dans un feu d’impuissance
Que reste-t-il de tes dieux d’ici-bas par quoi tu voulais nous sauver
Trop tôt jeté sur la voie par père et mère qui n’ont pas su
reconnaître en toi-même l’idéal de tes rages
tu vécus pour écrire et pour t’illuminer de vrai
Car tu étais inconciliable avec les hommes convenus
Tu étais dans la vie ce qui passe à mes yeux un nuage
Pourtant ton mal je n’ai pas su le lire Dépatrié et souvent si peu gai
2
Tu m’es venu c’était un soir m’interroger
comme un auteur ( j’habitais sans alliance
ni fers à lyon un deux-pièces avec vue
sur église) réduit nuit et jour à son moi
Voilà qui était dur parler de soi partager
des chemins ruminer de vieux silences
maudissants Et tu notais bêtement sans effroi
rêves et rancunes qui font les passions noires et téméraires
J’avais raison ouverte et déjà commençais à juger
froidement mes paroles Je n’étais plus dans l’innocence
du peuple originaire : alors que toi …
J’étais dans l’inquiétude et me cherchais à dégager
Car après LE pays j’en connus d’autres et de plus denses
Et d’autres mots me ravissaient plus que ma voix
3
J’écris tout ça sans trop savoir comment
tu l’entendrais Toi le sautillant au style
inquiétant d’innocence et de malédiction
avec un rythme tout de joie mise en œuvre
Car c’était ça ta voix parler d’un certain châtiment
en lutin peu soucieux des imbéci
lités lyriques toujours en vague miroitant des fictions
si éthérées qu’on ne savait par quel chemin les prendre
En quoi nous n’étions pas évidemment
de même allure Tu courais comme un félin subtil
rêvant de trouver le temps par une action
contre la maudissure qui fit de nous injustement
des ingrandis dans l’histoire poids en pays d’exil
et vomis d’hommes sans rémission
20 février 2012
Itinéraire avant l’oubli (39)
18 février 2012
L’Arménie m’est un roman
Et si le meilleur de l’Arménie n’était d’exister que pour être un roman ? Car on ne l’habite pas. Mais on fait jouer aux habitants une certaine comédie de l’existence humaine. On me dira, certes, que tous les pays font dans le même genre. Non pas. Si je parle au nom de mes sens et de mon coeur, la France et bien des pays européens gèlent mon imaginaire et sont dépourvus d’intérêt romanesque. Je m’en étonne moi-même. La France des grands romanciers m’est une France trop normale pour exciter toute audace créatrice. C’est un répulsif, une chambre froide, un monde poli par l’ennui. Un monde qui a perdu la vertu du tragique et qui en rit pour tenter de lui échapper. D’ailleurs, les romans qui s’y écrivent en font le diagnostic. Ils commentent pour la plupart les stagnations de la vie. Il me suffit de rentrer d’Arménie pour sentir brutalement le changement de climat. Dès l’aéroport, la discipline des contrées modernes me happe et tempère mon allure. Mon pas se soumet au pas général. Je suis un corps sans cesse harcelé de slogans et qui n’a d’autre hâte que celle de leur échapper. Certains me diront que voilà bien de quoi écrire. Mais tous ceux qui ont pris leur plume avant moi pour décrire ce monde écœurant ont déjà fait le tour du propriétaire. Un monde pris au piège de sa propre vitesse et de son cynisme. Non. Mieux vaut l’expatriation. Et la patrie de mon écriture reste l’Arménie. Depuis quarante ans, l’Arménie. Comme d’autres pays pour d’autres créateurs amoureux.
L’Arménie depuis quarante ans n’a jamais été autre chose qu’un pays à forte teneur romanesque. Depuis quarante ans que je la fréquente, j’ai appris à voir combien les hommes se confrontent aux duretés de la vie. A peine avez-vous posé le pied sur cette terre qu’elle vous parle littéralement. Elle ne vous lâchera plus tout au long de votre séjour. L’Arménie est un pays bavard. Qui gémit, se plaint, pleure, demande, s’exhibe… Quand elle se tait, c’est pour donner la parole aux paysages les plus puissants au monde. Dès lors, tout en vous devient verbe. Vous ne pouvez pas demeurer inerte, il faut qu’à votre tour votre parole se libère, cherche la note juste, dise la bonne hauteur de vos émotions. Quant à ceux qui n’ont pas l’écriture pour mode de vie, je sais qu’en eux aussi ce pays déchaîne des choses sourdes, douces et violentes plus qu’ailleurs. Est-ce là l’effet d’un exotisme ? J’en doute. Mais pour un Arménien de l’extérieur, l’Arménie n’est pas un pays aussi éloigné de son âme que n’importe quel autre. Il y trouve des repères précieux qui soutiennent son imaginaire même si son existence n’adhère pas pleinement aux vicissitudes et aux vices des autochtones. Dedans tout étant dehors, c’est alors que les choses se meuvent devant ses yeux comme s’il tissait une trame romanesque. Aux indigènes, il manquera toujours cette inadéquation qui agit sur l’esprit de leurs frères étrangers. Les indigènes sont dans une telle conscience de leur monde qu’ils sont empêchés de le conformer au policé des sociétés européennes ou même animales. Dès lors, l’absurde devient la règle, la cruauté sa putain. La matière vivante grouille de débordements, vacille en quête d’équilibre, se cherche une voie et plonge dans les grossièretés de l’inattendu. Et le mensonge est tel que le quotidien vous semble une songerie. La vie explose de tous côtés. Il suffit alors de recueillir les fragments d’une existence collective déglinguée et de les réajuster pour les composer en un système romanesque vivant.
Je voulais en donner la preuve. Je l’ai fait avec Vidures. Longtemps j’ai marché dans Erevan et hors de Erevan avec l’impression d’entrer dans la chair du roman arménien. Jusqu’au jour où les souvenirs d’une fréquentation de quarante ans ont fusionné. Et même les éléments qui ne sont pas entrés directement dans la composition du texte semblent présents en filigrane. Ils jouent comme soutiens invisibles aux images, aux symboles et aux faits qui y sont décrits. Sans eux, tout s’écroulerait. Mais la preuve par Vidures que l’Arménie est un roman serait qu’un lecteur, un seul, après les visites obligées aux monastères, demande à un taxi de le conduire à la décharge et au cimetière qui se font face sur la route de Noubarachen… Ou bien qu’il jette à la poubelle de sa résidence un exemplaire du livre, certain qu’il rejoindra son lieu d’inspiration. N’est-ce pas déjà un roman qui se dessine ?
17 février 2012
A propos de VIDURES (12)
La revue LECTURES a consacré sa rubrique aux derniers livres parus relatifs à la littérature arménienne , dont VIDURES.
Arménie vivante par Vinciane STRALE
LECTURES, Bruxelles, Janvier 2012
Dans Vidures, c’est l’Arménie actuelle qui est cœur et matière de cet étonnant roman. C’est entre décharge publique et cimetière que se déroule l’existence de Gam’. Ce texte baroque, heurté, profanateur raconte une journée du héros. Entre retours du passé et des morts, violences et corruption du temps présent, retours de tendresse aussi, la décharge est un lieu de rappels de mémoire. Elle est un univers monstrueux où errent et vivent des hommes, des chiens errants et des cochons portant des noms de présidents. Le livre de Denis Donikian est violent et souvent profanateur. Dans une interview, il expliquait ce choix en disant que parfois « les choses vous obligent à faire du rentre-dedans tellement elles accrochent le cœur et le regard ». La décharge est métaphore, elle est l’envers caché d’une société qui essaie de se croire propre. Tous les jours, Gam’ peut contempler le mont Ararat et sa pureté. Mais c’est dans le « détruit » d’un monde qu’il vit. Avec une voix véhémente et lyrique, l’auteur nous montre une société qui gère, dans une logique néolibérale, ses déchets. Ici, on croise aussi les « déchets humains » qu’elle rejette : les pauvres, les prisonniers politiques, les fous, les handicapés, les trop vieux, les très pauvres. Après vingt ans d’indépendance, l’Arménie vit mal le présent et n’est pas guérie de son passé, de ses passés. Et pourtant, l’espoir aussi subsiste et l’appel du cœur, le cri à Dieu, est profond et fort.
14 février 2012
Itinéraire avant l’oubli (38)
Adieu le ciel Adieu les sables
Adieu les palmes sur la mer
Les souvenirs sont des vertiges
Qui empoisonnent l’air vivant
Ma vie captive d’une machine
Ma vie n’est rien qu’avec le vent.
12 février 2012
A propos de VIDURES (11)
Denis Donikian vient de faire paraître son dernier livre “ Vidures “, toujours aussi caustique vis-à-vis du gouvernement actuel de la mythique Arménie que nous racontaient nos parents. Dans son livre “ Un Nôtre Pays “ il considérait déjà tout ce qui en reste et les alentours. Cette fois, il réduit son propos à une portion de route entre un cimetière et une décharge dans la banlieue de Yerevan. Je ne discuterai pas son point de vue sur les trois personnages : le Lettré, le Cobra, le Samouraï. Il suffit de quitter la rue Abovian en direction de la campagne et des montagnes, ou de recevoir des appels au secours de ces personnes que nous côtoyons lors de nos vacances où l’on se promène comme on va visiter un village indien aux U.S.A., il a pleinement raison, même s’il s’en exonore sur la fin et nous dit que ce n’est qu’un roman et que toute ressemblance avec des personnages existants serait forfuite.
Non, ce qui m’interpelle chez lui, c’est son rapport aux femmes. Je m’explique. Le Roman de la Rose – G. de Lorris et J. de Meun , XII éme siècle – qui ne parle que de Dames, montre des personnages considérés comme libertins pour l’époque. Denis, lui en s’exprimant comme on le fait en notre temps décomplexé s’autorise, à l’instar de Maupassant ou de Sartre – l’un prenant sa moustache , l’autre sa main pour sujet – à écrire presque quatre pages sur le sein ou plutôt les seins.
Il faut dire qu’il a bourlingué le bougre. Jugez-vous même ! Il commence par professer, puis on le retrouve au fin fond de l’extrême-orient, ce qui laisse supposer qu’il a probablement fait le tour du monde de la question. Et c’est ce qui lui donne un savoir à toute épreuve sur le sujet. Aussi je me permets de lui suggérer de reprendre au plus vite ce thème où l’on sent bien qu’il s’est retenu, avec le haut, dès aujourd’hui et demain avec le bas. Il finira bien par nous sortir un ouvrage, plus épais que celui de Claire Mouradian sur l’histoire de l’Arménie dans la collection “ Que sais-je“. Peut-être qu’une Christine de Pisan arménienne lui répliquera, mais de grâce qu’elle n’attende pas deux siècles.
Comme dit chaque matin Philippe Meyer (France Culture ) : « que le ciel nous tienne en joie ! » Dèr voghormia ( Seigneur prends pitié ! ), mais conserve-nous tzaghkadzor ( merci mon Dieu !) notre Denis Donikian.
Gabriel Haïk Mélikian.
Réponse :
Mon cher Haïk,
Ah j’ai bien ri venant de toi. Il est vrai qu’on ne me parle jamais de ce passage (chapitre 14) . Mais comme tu le sais, Artémis la déesse est représentée avec une poitrine pleine de seins. Et Gam’ fantasme là-dessus. ( Je me suis certainement inspiré du photomontage de Philippe Toledano). Cependant dans le roman, il y a plus érotique que ça. Pour exemple, quand les quatre femmes vont se frotter sur le phallus de pierre érigé au beau milieu de la tombe de Djilo ( chapitre 31). De fait il manque dans mon livre imprimé la description des sensations de ces quatre femmes ( remplacée par « Et elles le firent » , à la page 257). J’ai pensé avec l »éditeur que c’était un peu trop.
Je pense aussi au moment où Dro découvre la cuisse de la journaliste morte dans la décharge ( page 167) et qu’il se met à réciter un poème érotique (inspiré de Komitas d’ailleurs quand il voyait passer des villageoises). Ou même au poème érotique qui essaie de sortir en son entier au cours du roman et qui fait concurrence au Dèr Voghormia. Lutte entre la mystique et l’érotique en somme…
Quant à me faire passer pour un marin au long cours qui aurait une maîtresse dans chaque port, il ne faut pas exagérer… Qu’il y ait un porc qui sommeille en chaque homme je veux bien. Mais suis-je un homme ?
Denis
5 février 2012
PROUVE-LE !
La grande blessure des Arméniens, profonde et désespérée blessure, permanente, vivante depuis un siècle, héritée depuis un siècle et jamais refermée, blessure que des hommes prennent un malin plaisir à raviver, des hommes sans humanité mais aussi des hommes prétendument humanistes, cette grande blessure, amère et mortelle des Arméniens du monde entier, c’est de devoir prouver, clamer, démontrer, crier, pleurer, se déchirer à dire et répéter que les morts de 1915 ne sont pas morts de mort naturelle, ne sont pas des morts ordinaires, mais des morts qu’on a forcés à mourir, par la faim forcée, la soif forcée, l’épuisement forcé, des morts qui n’en finissent pas d’avoir faim, d’avoir soif et qui sont fatigués de dire, de clamer, de prouver qu’ils sont morts sous le poids de la haine la plus horrible et que cette haine n’en finit pas de les faire mourir pour qu’ils se taisent, pour que leur voix s’épuise avec le temps, pour qu’ils n’aient jamais existé.
Depuis cent ans, au lieu de jouer au golf, d’écrire sur des paradis amoureux, de faire des enfants ouverts à la vie, les Arméniens sont minés par la voix de ces morts qu’on ne veut plus faire exister. Une conspiration des plus veules, venue du fin fond des années sanguinaires travaille à faire exister cette non-existence des Arméniens assassinés parce qu’ils étaient là où ils ne devaient plus être, parce qu’ils étaient ce qu’ils étaient, parce que des hommes ne les voulaient plus pour hommes à part entière. Et aujourd’hui, ce travail d’effacement se faufile même dans les intelligences les plus humanistes et son langage se substitue à l’indignation pour marteler que ce qui a existé n’a pas jamais réellement existé. Aujourd’hui, non seulement les bourreaux d’hier ont trouvé des héritiers dignes d’eux, mais aussi des porte-voix étrangers, des intellectuels capables d’intellectualiser la haine passée en raisonnements passifs, et qui démontrent que rien ne s’est passé comme les fils et les filles de victimes le disent, même s’ils consentent à dire qu’il s’est passé quelque chose.
Et c’est ainsi depuis cent ans. Mais aujourd’hui beaucoup plus qu’hier, les Arméniens vivants doivent prouver que des Arméniens ont trouvé la mort sans pouvoir comprendre, sans pouvoir se défendre, et qu’avant de mourir, ils ont été soumis à l’humiliation, transformés en objets de meurtre et de plaisir, de meurtre par plaisir, de plaisir par le meurtre, dépersonnalisés, animalisés par des hommes transformés en bêtes sanguinaires. Les Arméniens doivent prouver ça. Ils croyaient trop naïvement que l’énormité du carnage suffisait comme preuve, mais non. Ils doivent entrer dans leur blessure pour l’étaler au grand jour car l’énormité du carnage est trop énorme pour être crédible. Les intellectuels qui ont l’art de tout intellectualiser doutent encore. Et les garants de la morale française qui intellectualisent la morale se gardent bien d’entendre le cri profond de la douleur arménienne. Ils préfèrent l’avenir au passé trouble et au nom de cet avenir tasser sous leurs pieds ce passé noir de l’humanité qui monte à leurs oreilles après cent années de solitude.
Les Arméniens vivants croyaient naïvement que le poids des Arméniens morts dans les annales de l’humanité serait assez pesant pour que leurs voix désespérées fassent l’unanimité des hommes. Mais non. L’humanité n’a cure des morts injustes et peut aisément les oublier si les morts ne lui rappellent pas qu’ils sont morts injustement. Ce sont ces morts qui subsistent en chaque survivant, en chaque héritier, pour que leur voix porte jusqu’aux oreilles des hommes qui ont l’humanité chevillée au cœur. Ainsi chaque Arménien donne-t-il de la voix pour que le grand Criminel reconnaisse son grand Crime. Chaque Arménien toujours et partout, inlassablement et jusqu’à plus soif, jusqu’à épuisement de ses forces, toujours et partout, dit, clame et crie, sans jamais rien céder aux intellectuels qui intellectualisent tout, que l’histoire de l’humanité, loin d’être encore pacifiée, doit reconnaître, panser et réparer la blessure arménienne comme toutes les blessures des blessés du monde doivent être reconnues, pansées et réparées.
Alors les Arméniens pourront jouer au golf, écrire des romans d’amour et faire des enfants ouverts à la vie.
Denis Donikian
2 février 2012
VIDURES aux Conférences du Salon
MAISON DES ETUDIANTS ARMENIENS
Les Conférences du Salon
Vous invitent à une rencontre avec Denis DONIKIAN
écrivain, plasticien, autour de son roman :
VIDURES
Actes Sud, 2011
Le mercredi 8 février à 20 h 30
57, boulevard Jourdan, Paris 14ème
(métro Porte d’Orléans ou RER B Cité Universitaire ou Tram 3)
Présentation par Gérard Malkassian
Entrée libre