Ecrittératures

31 août 2009

Günlük interdit, lancement d’Initiative Démocratique

 

Eren Keskin

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par Bawer Çakir

Bianet, 26.08.09

L’équipe du journal Günlük, récemment interdit, vient de créer un nouveau quotidien intitulé Initiative Démoctratique. Sa rédactrice en chef, Eren Keskin, entend poursuivre les activités du journal et continuer à pousser les autorités sur un étroit fil rouge.

ISTANBUL – Suite à l’interdiction, le 22 août dernier, par la 13ème Haute Cour Criminelle d’Istanbul du journal Günlük, l’équipe de ce quotidien a lancé le 26 août un nouveau journal Initiative Démocratique.

Son rédacteur en chef, l’avocate Eren Keskin, avertit : « Ce journal est le dernier à poursuivre l’héritage de ce que le journal Gündem [Agenda] avait lancé. […] Nous allons poursuivre une couverture étroite et critique des sujets cruciaux pour la Turquie, comme cela a été fait auparavant. »

Un test pour la liberté de la presse

Maître Keskin s’est entretenue avec Bianet sur le lancement d’Initiative Démocratique.

« Dès que le journal Gündem fut publié, il fut soumis à des pressions de la part du gouvernement. Attentats à la bombe, journalistes tués ou arrêtés, et finalement interdit. En tant qu’avocate des droits de l’homme, j’accorde une très grande importance à ce type de « coutumes ». Alors, maintenant que le journal Günlük est interdit, en particulier à un moment où l’on parle d’initiative démocratique, nous avons décidé de lancer un journal pouvant nous protéger de ces « coutumes ».

« La rédaction entend affirmer sa solidarité et célébrer la mémoire de tous les journalistes qui ont perdu la vie. »

« Le nom du journal est ironique. Ce sera un test pour les gens qui nous gouvernent en Turquie. Nous verrons s’il existe de facto un processus démocratique en Turquie ou si notre journal va connaître le même destin que Günlük. »

Une couverture importante si l’interdiction n’est pas bientôt imposée

« Le secret des concombres yougoslaves » : tel était le titre en une du premier numéro. Autre sujet important, les préparatifs pour la Journée mondiale de la Paix, le 1er septembre au Kenya. En sous-titre : « Salut à Marko Pacha, que la censure continue ! Nous voulons la censure ! » A côté des dépêches d’actualité, la première page du journal Günlük est reproduite avec ce commentaire :

« Si nous ne fermons pas demain, nous publierons un journal « sérieux ». »

Le quotidien turc Günlük a été interdit pour un mois à cause d’articles et de dépêches d’information rédigés par le linguiste Amir Hassanpour, enseignant au Département des civilisations du Proche et du Moyen-Orient à l’université de Toronto. La 13ème Haute Cour Pénale d’Istanbul a pris cette décision ce vendredi (31 août) en se fondant sur l’article 7/2 de la Loi contre le terrorisme, au motif que les articles du Dr Hassanpour contiennent de la « propagande organisationnelle ». (BÇ/VK)

Source : Bianet

Traduction : Georges Festa pour Denis Donikian – 08.2009

 

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30 août 2009

La réception en Turquie du récent arrêt d’un tribunal américain

Ayse Gunaysu

par Ayse Gunaysu*

The Armenian Weekly, 27.08.09

Parmi les milliers de dépêches dont nous inondent des agences du monde entier, aucun quotidien, aucune chaîne de télévision turque n’a laissé passer l’information relative à l’arrêt d’une cour d’appel fédérale aux Etats-Unis, s’opposant aux demandes arméniennes relatives aux polices d’assurances non versées. De nombreux éditoriaux firent montre d’un ton à peine voilé de victoire, signalant que ce tribunal a frappé un « grand coup » contre les Arméniens. Certains se montrant un peu plus professionnels, se contentant de refléter leur satisfaction : « Un arrêt de justice irrite les Arméniens. » Même ceux qui sembleraient davantage « objectifs » usent de mots présentant le sujet comme une défaite de la part des « Arméniens » – et non une violation des droits des légitimes bénéficiaires, les clients de compagnies d’assurances qui ont tiré profit de l’extermination par un gouvernement de ses propres citoyens. Même le quotidien Taraf, considéré comme engagé dans un combat des plus courageux contre « l’Etat profond », titre : « Mauvaise nouvelle d’un tribunal américain pour les Arméniens » (22 août 2009, p. 3), un éditorial qui, qu’on le veuille ou non, renforce la conception essentialiste des Arméniens, largement répandue en Turquie, et qui reflète une pseudo-impartialité impitoyable – « mauvaise nouvelle ! » – face à l’usurpation exaspérante des droits d’autrui.

Mise à  part une poignée de gens, personne en Turquie, regardant les nouvelles ou lisant les manchettes (souvent sans lire le texte dans son intégralité), ne sait qu’au tournant du siècle dernier plusieurs milliers d’Arméniens des provinces de l’ancienne Arménie avaient souscrit des polices d’assurances, dont les bénéfices s’élevaient à plus de 20 millions de dollars en 1915 – dollars restés impayés aux héritiers légaux des victimes qui périrent sous un climat de terreur. Rien d’étonnant, puisque l’opinion ignore même qu’à l’aube de la Première Guerre mondiale, il existait 2 925 agglomérations arméniennes dans l’ancienne Arménie, comptant 1 996 écoles qui enseignaient à 173 000 élèves, garçons et filles, et 2 538 églises et monastères – preuve vivante de la présence arménienne dans l’empire ottoman. Lorsque j’ai tenté d’expliquer cela à ma mère, âgée de 83 ans, qui pensait que le tribunal américain avait fait une bonne action pour la Turquie, elle n’en croyait pas ses oreilles. Elle me demandait, presque sincère : « Des compagnies d’assurances occidentales ? A cette époque ? A Kharpert, à Merzifon, à Kayseri ? Tu es sûre ? » Car elle ne peut imaginer que ce qui constitue maintenant pour nous des villes éloignées, moins développées, à l’environnement rural où dominent encore des modèles pré-capitalistes – des endroits plus ou moins isolés des métropoles actuelles – furent jadis, avant 1915, des centres urbains riches et développés, dont les habitants étaient beaucoup plus proches, par leurs activités économiques, leur structure sociale et leur manière de vivre, du monde occidental que leurs concitoyens musulmans. Bien que diplômée de l’université (chose rare pour une femme en Turquie, à cette époque), cultivée, avec un sens réel de la justice dans toutes ses actions, ma mère subit un système éducatif fondé sur une histoire réécrite afin de reconstruire une identité nationale faite de fierté, et qui bouleversa la réalité. Résultat : un être « éclairé » qui ignore tout de ce que fut son pays – adoré – et de ce qui arriva quelque dix ans avant sa naissance.

Comment s’attendre alors à ce que ma mère sache à quel point Talaat Pacha, membre du triumvirat du Comité Union et Progrès et l’un des organisateurs du génocide arménien, choqua par son audace Henry Morgenthau, ambassadeur des Etats-Unis à Istanbul en 1925, lorsqu’il lui dit : « J’aimerais que vous ameniez les compagnies américaines d’assurances-vie à nous adresser une liste complète de leurs souscripteurs arméniens. Ils sont maintenant pratiquement tous morts et n’ont pas laissé d’héritiers pour recueillir cet argent. Naturellement tout cela échoit à l’Etat. C’est maintenant le gouvernement qui en est bénéficiaire. Le ferez-vous ? »

L’opinion turque, mise à part cette poignée de gens, qui a reçu le message au sujet de l’arrêt d’une cour d’appel américaine s’opposant au droit des Arméniens de demander justice, ne songe pas un instant que cela concerne les droits les plus fondamentaux de l’homme.

Or la raison est toute simple : une idéologie nationale bloque l’esprit des gens. En Turquie, une signification particulière est attachée au mot « compensation ». Les gens croient que toute reconnaissance sera suivie de demandes de compensation, lesquelles conduiront naturellement à des demandes territoriales. Si bien que la référence à une « compensation » (devant être payée aux « Arméniens ») dans ces reportages est directement liée dans leur esprit aux demandes territoriales des Arméniens.

Tout cela est lié au déni. Le déni n’est ni un phénomène isolé, ni une politique indépendante de tout autre aspect. Le déni est un système. Un tout intégré. Vous ne niez pas seulement ce qui est arrivé ; pour nier ce qui est réellement arrivé, vous devez nier l’existence même des gens à qui cela est arrivé. Pour nier leur existence, vous devez éliminer la preuve de leur existence à partir de leur environnement à la fois physique et intellectuel. Sur le plan physique, cela correspond aux 2 925 agglomérations arméniennes comptant 1 996 écoles et 2 538 églises et monastères, maintenant disparus. Sur le plan intellectuel, cela correspond à la perception qu’a ma mère de l’arrêt d’une cour d’appel américaine comme quelque chose de bon pour la Turquie.

J’ai vu un film à la télé ce soir, Rhapsodie en août d’Akira Kurosawa, un film sur une vieille dame, une hibakusha (mot japonais pour les victimes des bombardements atomiques d’Hiroshima et Nagasaki lors de la Seconde Guerre mondiale) et ses quatre petits-enfants. En regardant ce film, j’ai vu des gens commémorant leurs morts avec un grand respect, prenant soin de leurs monuments avec un amour infini, élevant leurs enfants dans le même esprit, observant les rituels bouddhistes, priant pour les dommages qu’ils ont subis. Les détails montrant tout cela étaient dépeints avec élégance et très impressionnants. En voyant une hibakusha aveugle nettoyer avec beaucoup de soin la plate-forme en marbre d’un monument, je songeais aux Arméniens de mon pays, qui sont privés de ce droit des plus élémentaires d’honorer publiquement la mémoire de leurs disparus. Or cette interdiction est tissée dans la structure même de la société turque, car les fondateurs de la nouvelle République de Turquie et leurs successeurs bâtirent une nation et mirent avec succès en pratique un « modelage des esprits » en vertu duquel les gens sont convaincus, amenés à croire sincèrement, que de telles commémorations les outragent directement.

Le résultat d’un tel modelage, tout ce système complexe de déni, est très difficile à démonter. L’élite turque au pouvoir ne reconnaîtra le génocide ni à court terme, ni à moyen terme. A long terme, peut-être. Mais la durée de ce « long » terme reste inconnue. La dynamique pouvant activer le processus est la reconnaissance par le bas, à savoir la reconnaissance par le peuple – processus très long, mais beaucoup plus prometteur qu’une reconnaissance officielle dans un avenir prévisible. En Turquie, les gens passent chacun par une sorte d’éclairage très particulier – aller à la rencontre des faits, en apprendre davantage sur l’histoire proche, nouer des contacts plus étroits avec des Arméniens ici et ailleurs (par exemple, rencontrer et écouter le professeur Marc Nichanian s’exprimer dans la langue de la philosophie et de la littérature, l’entendre expliquer combien des excuses ont peu de sens lorsque ce qui est arrivé aux Arméniens est « impardonnable », évoquer le sens de l’« usurpation du deuil » et l’« impossibilité de se représenter » ce que les Arméniens ont vécu. De plus en plus de récits paraissent dans les quotidiens et les périodiques en Turquie à propos de nos grands-mères et grands-pères d’origine arménienne, qui furent dépouillés de leur identité arménienne, du moins dans la sphère publique. De plus en plus de livres sont publiés au sujet du génocide, permettant aux lecteurs d’essayer d’imaginer l’inimaginable.

C’est cela qui activera un long processus de reconnaissance par le bas, une reconnaissance dans les cœurs qui interagira inévitablement avec le processus de reconnaissance officielle – un impératif pour une véritable justice -, quel que soit le temps qu’il faudra.

* Ayse Gunaysu exerce la profession de traductrice. Féministe, elle a été membre jusqu’en 1995 du Comité contre le racisme et la discrimination des droits humains en Turquie, ( branche d’Istanbul). Elle écrit dans un quotidien pro-kurde depuis 2005. Chacun se souvient de sa lettre de pardon adressée aux Arméniens sur le site de Yevrobatsi.

Source : The Armenian weekly

Traduction : © Georges Festa pour Denis Donikian – 08.2009

27 août 2009

Bonheur ! à tous !

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« Bonheur ! à ceux qui vont nous survivre et goutter la douceur de la Liberté et de la Paix de demain. »

Missak Manouchian

25 août 2009

Voyage descriptif des provinces arméniennes

Filed under: ARTICLES — denisdonikian @ 12:56
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Dans quelques mois devrait paraître un livre qui réjouira à coup sûr les nostalgiques d’une Arménie d’avant les massacres hamidiens, là où se trouvaient les Hayapnag kavarner , grâce tout d’abord au travail d’exploration et de description mené par son auteur, Manuel Mirakhorian, mais aujourd’hui aux efforts acharnés du bibliophile Jean-Pierre Kibarian, maître d’œuvre d’une édition traduite en français. Nul doute que ce livre d’environ six cents pages constituera un moment important des parutions arméniennes, par sa qualité, sa profondeur et son impact au sein de la campagne négationniste orchestrée par l’Etat turc.

L’œuvre de Manuel Mirakhorian se présente comme un témoignage de première main de la part d’un enseignant qui se donnera pour mission aussi bien d’informer son lecteur sur l’encadrement des écoles arméniennes d’Anatolie que d’établir un véritable état des lieux des provinces traversées avant la destruction quasi-totale de leurs habitants, qui devait mettre fin à deux mille cinq cents ans de présence arménienne.

Voici des extraits de la préface que Jean-Pierre Kibarian a bien voulu nous permettre de publier.

Qui était Manuel Mirakhorian ?

Né à Van en 1856, dont l’établissement des Saints-Traducteurs l’accueillera comme étudiant avant qu’il ne soit admis, en 1868, au séminaire du monastère de Varakh pour devenir l’élève du futur Catholicos Meguerditch Khrimian, Manuel Mirakhorian  poursuivra, quatre ans plus tard, sa formation au collège Arakel Nubar et Chahnazarian de Khaz-kiugh(Constantinople) où, à la demande de son directeur, il exercera la profession d’instituteur en 1876.

Dans les années 1877-78, les Russes occupant déjà San  Stefano et menaçant de s’emparer de Constantinople, Mirakhorian quitte son village et s’installe à Rodosto.

Après  un court voyage en Crimée en 1882, profitant de sa fonction de directeur d’école à Mouch, à Van et dans d’autres villages de provinces, il réunit une somme considérable d’informations sur les Arméniens. De retour à Constantinople, il publie, en trois tomes, de 1884 à 1885, son inventaire à la fois ethnologique, historique et statistique, établi au cours de ses périples dans les provinces de la Turquie orientale et reçoit pour son travail le prix Sahag-Mesrob.

Soucieux de fonder une bibliothèque à Van, Mirakhorian était parvenu à réunir 2500 ouvrages durant son séjour à Constantinople, avant qu’il ne soit arrêté par la police hamidienne, en 1890, à la suite d’une trahison. Libéré l’année suivante, il doit renoncer à son projet, ses manuscrits et ses livres ayant été brûlés au cours de son arrestation. L’année suivante, anéanti par cet échec, il s’exile en Roumanie où il épouse, en 1894, Zabel Kaplanian qui lui donnera deux fils, dont l’un fera des études de médecine à Paris. Aucun des deux ne laissera de descendants.

En Roumanie, il publie de nombreux articles de philologie arménienne dans différents journaux et sous divers pseudonymes (comme Arménag de Folksham ou Norayr de Roumanie) : Arevelk (l’Orient), Manzoumé de Constantinople, Armenia et Hay Sird de Marseille, Yergrakound (le Globe) de Tiflis.

Il s’éteint à Bucarest en 1934, à l’âge de 78 ans, non sans laisser derrière lui, de nombreux point d’interrogations.

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Craintes

En effet, la crainte qui hante le texte de Manuel Mirakhorian,  c’est la perte de l’identité arménienne, en raison même des réticences de chacun à vouloir l’affirmer, l’Église nationale ayant failli à sa tâche en poussant les chrétiens à assumer les traditions de leurs voisins par le biais de la langue et des coutumes vestimentaires. Comme l’écrit Raymond Kevorkian, dans la Revue arménienne des questions contemporaines d’octobre 2007 : « La modernisation de l’État Ottoman et la volonté des autorités centrales de supprimer l’autonomie des principautés kurdes qui perdurait depuis trois siècles dans ces contrées, accélérèrent curieusement la pénétration nomade dans les zones Nord. En principe, dès 1840, les Arméniens pouvaient devenir propriétaires de biens immobiliers, mais, en contrepartie, devaient directement payer à l’État les taxes et impôts jusque-là prélevés par les « protecteurs »kurdes. Il s’ensuivit une situation anarchique qui aboutit à un double prélèvement fiscal, étatique et tribal que la paysannerie arménienne ne pouvait assumer… En échange, les chrétiens furent enfin autorisés à monter à cheval et à ne plus porter exclusivement des vêtements aux couleurs distinctes (bleu rayé de blanc pour la coiffe masculine) ou encore le voile pour les femmes circulant dans les lieux publics ».

Cette hantise de la perte s’accompagne du rêve de voir la population arménienne retrouver sa gloire passée en accédant à un meilleur niveau de vie grâce à  l’alphabétisation et à une éducation fondée sur la modernité. C’est la raison pour laquelle Manuel Mirakhorian  souhaiterait un plus grand nombre d’ouvertures  d’écoles dans tous les villages habités par les Arméniens, et qu’elles soient gérées par des professeurs laïques plutôt que par des prêtres. Si, au cours de son périple, il mentionne les monuments et les cimetières arméniens visités sans trop s’attarder sur leur description, c’est que son objectif premier est de fournir un recensement précis des établissements scolaires afin d’établir une sorte de carte académique des régions arméniennes. Dès lors, le peuple arménien est décrit comme un peuple ancien, doté d’une riche culture, mais peu à peu dévoré par l’influence grandissante de ceux qui occupent son territoire historique. En effet, devenu minoritaire dans un monde musulman, l’Arménien d’obédience chrétienne est de plus en plus relégué au statut de citoyen de seconde classe, de dhimi, subissant en permanence une ségrégation politique et sociale par le biais d’impôts divers et multiples.

Si la crainte de dépérissement qu’il éprouve, doublée d’un rêve de renaissance par l’éducation, conduit Manuel Mirakhorian  à parler de Nation quand il évoque les Arméniens,  c’est surtout pour montrer que, conscient des réalités inhérentes à leur situation politique au sein de l’Empire Ottoman, il peut, grâce à ce mot,  établir  une certaine distance avec les autres citoyens. Sorte de «bouée de sauvetage » qui lui permet de maintenir en vie ce souci de renouveau en lui insufflant cette espérance que produit parfois le désespoir.

Comme le montre sa biographie, Manuel Mirakhorian, né à Van, chantre de la renaissance arménienne, qui ne cesse de blâmer ceux qui abandonnent leur famille pour s’exiler au cœur de l’empire, au risque de céder leurs terres aux Kurdes, ne se fait pas faute pour autant d’émigrer lui-même à Constantinople. Nul doute qu’on peut le croire tiraillé par des sentiments contradictoires pour avoir vécu douloureusement cet exil qu’il reproche à ses coreligionnaires. De fait, la lecture de son récit laisse penser que nous avons affaire à un homme non seulement habité par une véritable curiosité intellectuelle, mais également soucieux de préserver l’identité arménienne, qu’il veut forte et ambitieuse. Dès lors, on peut comprendre qu’il ne pouvait pas assouvir sa soif d’instruction en restant à Van, d’autant que les éléments les plus prometteurs de la communauté arménienne étaient probablement envoyés vers la capitale où se trouvaient les meilleurs établissements scolaires. On devine la suite : l’exercice de sa profession d’enseignant lui fait toucher du doigt l’importance d’une éducation qui serait accessible à tous, comme le processus qui permettrait d’enrayer le défaut d’alphabétisation et de créer ainsi une véritable dynamique identitaire nationale. À ses yeux, la nécessité pour les Arméniens de l’Empire ottoman de redécouvrir leur histoire et, par voie de conséquence, leur gloire passée, devait les conduire à recouvrer leur dignité culturelle pour mieux s’imposer au sein même des structures de l’État.

Un visionnaire

Mal accepté par l’aile conservatrice de l’Église, dont il déplore le manque de stratégie politique, Mirakhorian agacera également quelques laïcs qui verront en lui un donneur de leçons, par trop visionnaire et indépendant. En effet, son livre montre qu’il n’appartient à aucune chapelle, n’épargnant ni l’Église, ni les amira et encore moins les intellectuels qu’il accuse de manier seulement de belles paroles. Les seuls qui trouvent grâce à ses yeux sont les membres de l’organisation incorrectement dénommée Association Unie et qui regroupe, en fait, l’Association Kilikia, l’Association Tebrotzasser et l’Association Araradian. Tout au long de l’ouvrage, il énumère les établissements tenus ou gérés par ces derniers et les complimente sur leurs efforts en souhaitant que d’autres s’en inspirent.

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L’ouvrage devrait faire l’objet d’une souscription. Nos lecteurs en seront informés en temps voulu.

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Cartes postales de la Collection particulière Tafankejian ( tous droits réservés)

23 août 2009

Entretien exclusif avec Sibel Edmonds, qui dénonce le FBI

par Khatchig Mouradian

The Armenian Weekly, 21.08.2009

[Le 23 avril 2007, j’ai rencontré à Washington, D.C., Sibel Edmonds, dénonciatrice du FBI, pour un long entretien qui fut publié dans The Armenian Weekly et ZNet, et qui connut une large diffusion. Le 18 août 2009, j’ai eu un entretien téléphonique suivi avec Sibel, qui se trouvait alors en Nouvelle-Zélande. Cet entretien fait le point sur ce qui a transpiré de son dossier depuis 2007, avec un accent particulier sur sa déposition dans l’affaire Schmidt-Krikorian au début de ce mois.

Sibel Edmonds, linguiste au FBI, a été licenciée de son poste au siège du FBI à Washington en mars 2002. Son crime fut d’enquêter sur des infractions à la sécurité, diverses tentatives pour étouffer des affaires, rétention d’information et corruption de citoyens américains, dont des officiels de haut rang. Le secret d’Etat a été souvent invoqué pour bloquer les procédures juridiques la concernant, et le Congrès des Etats-Unis a même été bâillonné afin d’empêcher tout débat ultérieur. Sibel Edmonds a révélé, par exemple, une relation secrète entre des groupes turcs et l’ancien président de la Chambre des Représentants, Dennis Hastert (républicain – Illinois), lequel aurait reçu plusieurs dizaines de milliers de dollars de pots de vin en échange du retrait d’une résolution sur le génocide arménien de l’agenda parlementaire en 2000.

Née en Iran en 1970, Sibel Edmonds est diplômée de criminologie et de psychologie de l’Université George Washington et titulaire d’un mastère en politique publique et commerce international de l’Université George Mason. Elle est la fondatrice et directrice de la National Security Whistleblowers Coalition (NSWBC) [Collectif d’alerte sur la sécurité nationale] et a reçu en 2006 le Prix du Premier Amendement du PEN/Newman. Elle parle le turc, le farsi et l’azéri.

Ce qui suit est la transcription intégrale de cet entretien suivi.]

Khatchig Mouradian : En 2007, je t’ai demandé ce qui avait changé durant ces cinq années, depuis 2002, lorsque tu as contacté pour la première fois la Commission juridique du Sénat pour leur révéler l’affaire de la corruption par la Turquie d’officiels de haut rang. Tu disais : « Il n’y a eu aucune audition et personne n’a eu à rendre de comptes. On se retrouve pratiquement au point de départ […] » Deux autres années ont passé, nous avons un nouveau président et j’ai envie de te reposer la même question : des changements se sont-ils produits ?

Sibel Edmonds : Rien n’a changé. S’agissant du Congrès, les démocrates ont la majorité depuis novembre 2006 et je n’ai observé aucun intérêt de la part du Congrès pour procéder à des audiences – quelles qu’elles soient – à ce sujet, que ce soit sur la question des privilèges des secrets d’Etat ou les affaires complexes de corruption. La majorité actuelle est au moins aussi négative que la précédente. Au moins, les républicains avaient le cran de venir dire : « Nous ne toucherons pas à ça ! » Mais la nouvelle majorité ne dit rien !

L’administration Obama est toute nouvelle. Pour ce que j’observe, ils continuent la politique antérieure de l’administration concernant les privilèges des secrets d’Etat. Quant à la protection de ceux qui dénoncent cela et à la législation les concernant, la nouvelle équipe de la Maison Blanche a déjà dit clairement qu’ils ne veulent accorder aucune protection pour ceux qui dénoncent la sécurité nationale – à savoir ceux issus du FBI, de la CIA et de tous les autres institutions en liaison avec les services secrets et le maintien de l’ordre, et bien sûr le Département d’Etat.

Quant aux principaux médias, du moins pour ce que j’observe, la situation s’est en fait aggravée. C’est, à mon avis, la principale raison qui se cache derrière l’inaction et l’absence de volonté de rechercher des responsables, de la part du Congrès et de la Maison Blanche. Et la pression des principaux médias n’existant pas, ils se gardent naturellement de le faire. Ils sont conditionnés par cette pression. Or, aujourd’hui, les principaux médias ne remplissent pas leur rôle et leur responsabilité en exerçant cette pression.

Des trois – le Congrès, le pouvoir exécutif et les médias – je dirais qu’en l’espèce, le principal coupable ce sont les grands médias.

Khatchig Mouradian : L’exemple le plus récent de ce silence assourdissant des grands médias a été ta déposition dans l’affaire Schmidt-Krikorian, le 8 août dernier. Tu évoquais sous serment comment le gouvernement turc et une nébuleuse de groupes de pression, d’officiels américains de haut rang et de membres du Congrès ont été conduits à la trahison et au chantage. Une affaire énorme à tout point de vue, et qui n’a été couverte que par la presse arménienne et quelques blogs. Comment expliques-tu ce silence ?

Sibel Edmonds : Je connais des reporters de terrain qui sont passionnés et qui veulent suivre cette histoire. Mais quand ils arrivent dans leurs rédactions – et je parle des grands médias et d’excellents journalistes d’investigation -, leurs rédacteurs refusent d’aborder le sujet. Si tu regardes la vidéo ou que tu lis la transcription, tu vois à quel point cette déposition est explosive. Et, rappelle-toi, je parlais sous serment. Si à quelque titre que ce soit, en quelque manière je mentais ou n’étais pas sincère, j’allais en prison. Je réponds sous serment à ces questions et pourtant les principaux médias refusent d’aborder le sujet. C’est très semblable à ce que nous avons vu dans l’affaire AIPAC-Larry Franklin (1).

J’ai souligné le fait que l’American Turkish Council (ATC), le lobby turc et ces groupes de pression turcs oeuvrent de concert en partenariat avec l’AIPAC (American Israel Public Affairs Committee) et le JINSA (Jewish Institute for National Security Affairs). Si bien que non seulement il y a cette pression sur les médias de la part du lobby turc et des personnalités américaines impliqués dans la corruption, mais ils exercent aussi cette pression sur les médias via leurs partenaires issus du lobby pro-Israël – or l’influence de ce dernier sur les grands médias aux Etats-Unis est indéniable.

L’ironie de l’histoire c’est que ma déposition a été publiée en une des journaux turcs – et la Turquie ne se vante pas de la liberté des médias -, alors que les grands médias n’ont pas écrit un mot à ce sujet.

Khatchig Mouradian : Dans un article que tu as écrit à propos du 4 Juillet (2), intitulé « It Ain’t about Hot Dogs and Fireworks » [« Il ne s’agit pas de hot-dogs, ni de feux d’artifice »] (3), tu dis : « Rappelons ces termes du serment constitutionnel selon lequel tous les fonctionnaires fédéraux, tous les juges fédéraux, tous les personnels militaires, tous les nouveaux citoyens sont requis de prendre du recul et d’accorder une attention particulière à ces phrases : « soutenir et défendre la Constitution et les lois des Etats-Unis d’Amérique contre tous les ennemis – étrangers et de l’intérieur ». Maintenant demande-toi ce que signifie « ennemis de l’intérieur ». Parle-moi de ces « ennemis de l’intérieur ».

Sibel Edmonds : Les ennemis de l’intérieur auxquels je fais allusion, ce sont ces officiels américains, élus ou nommés, qui ne représentent pas les intérêts du peuple américain – que ce soit des intérêts liés à la sécurité nationale ou à la politique étrangère – et qui, au contraire, ne représentent que leur cupidité, leurs bénéfices financiers et/ou des intérêts étrangers. Dennis Hastert (4) en fournit un bon exemple.

Moins de trois ans après que Vanity Fair ait publié un article sur les relations secrètes d’Hastert avec des groupes turcs, le groupe d’Hastert annonça qu’il faisait régulièrement pression pour le gouvernement de Turquie, recevant 35 000 dollars par mois au titre des intérêts de la Turquie. Quelle preuve de plus veulent les grands médias américains ? Pendant des années, cet homme est passé à la caisse, alors qu’il devait sous serment se montrer loyal et représenter les intérêts américains et la Constitution. Alors qu’au Congrès, cet homme représentait non seulement des gouvernements étrangers, mais aussi des entités étrangères criminelles. Dès que cet homme a quitté le Congrès (5), il est sorti du placard et devint officiellement le représentant d’intérêts étrangers. Bob Livingston [ancien membre du Congrès, républicain – Louisiane] (6) en fournit un autre exemple. Dès qu’il a quitté le Congrès, il s’est fait enregistrer au titre du FARA (Foreign Agents Registration Act) afin de représenter des intérêts étrangers. Je pourrais citer aussi Steven Solarz [ancien membre du Congrès, démocrate – New York] (7).

Autre exemple frappant, Mark Grossman, du Département d’Etat. Pendant des années, il a représenté des entités étrangères. En fait, il violait les lois criminelles aux Etats-Unis. Et tu sais quoi ? Il quitte le Département d’Etat en 2005 et il est immédiatement inscrit sur liste d’émargement par une société en Turquie nommée Ihlas Holding ; il rejoint un groupe de pression et se met à représenter les intérêts d’entités turques.

Or ces opportunités ne se produisent pas lorsque ces gens quittent leurs emplois. Pour que ces gens s’assurent ces emplois et ces salaires lucratifs, ils doivent servir ces entités étrangères alors qu’ils sont en fonction. Et c’est ce qu’ils ont fait !

Là, les victimes sont le peuple américain, sa sécurité nationale et l’intégrité de ce gouvernement. Et dans de nombreux cas dont j’ai connaissance, cela concerne nos informations liées à la sécurité nationale, à nos services secrets, qui sont communiquées en toute facilité à des entités étrangères par ces individus. Au titre des lois que nous avons depuis l’origine de cette nation, ces gens devraient être poursuivis sur le plan criminel.

Khatchig Mouradian : Ça me rappelle ce proverbe : « Que Dieu me protège de mes amis et je m’occuperai de mes ennemis. » La Turquie n’est-elle pas censée être une alliée des Etats-Unis ?

Sibel Edmonds : Si tu consultes le tout dernier rapport de notre gouvernement, à la rubrique espionnage, les pays numéro 1 sont Israël, la Chine et la Turquie en troisième ou quatrième position. Tu vois ici deux pays alliés, Israël et la Turquie, pénétrant et s’appropriant des informations sur nos services secrets, notre technologie militaire et classée confidentielle. Pourquoi tes alliés pénètrent ton Département d’Etat, le Département de la Défense et s’en tirent comme ça ? Que veulent-ils te prendre ?

Khatchig Mouradian : Parlons de l’affaire Krikorian-Schmidt. Plus précisément, pourquoi as-tu décidé de témoigner et que peux-tu dire des tentatives visant à bloquer ton témoignage ?

Sibel Edmonds : J’ai été contactée par les avocats de M. Krikorian, qui m’ont dit qu’ils voulaient recevoir mon témoignage sous serment et me faire déposer en tant que témoin dans l’affaire qu’ils plaident en justice. Je suis allée voir leur dossier et j’ai constaté qu’il implique le lobby turc et certains groupes d’intérêts turcs, ainsi qu’une représentante, Jean Schmidt (républicains – Ohio) (8), qui recevait des dons de campagne de la part de ces groupes. J’ai constaté, d’après une information accessible publiquement depuis leur dossier, qu’il y avait un cadre commun et j’ai décidé que mon témoignage serait directement utile et de la plus grande importance dans cette affaire, bien que je ne disposais d’aucune information particulière au sujet de Schmidt (j’ai quitté le FBI en 2002). Alors j’ai dit oui. A condition qu’ils m’assignent à comparaître et qu’ils demandent officiellement ma déposition sous serment, je le ferais pour eux.

J’ai alors rempli mes obligations, en tant qu’ancienne contractuelle du FBI signataire de divers accords relatifs à la non divulgation du secret, d’informer le FBI et le Département de la Justice qu’il m’avait été demandé d’apporter mon témoignage, car je suis censée les en informer. Ils avaient 24 heures à peu près pour répondre. Ils ont laissé passer la date limite. Après quoi, ils sont revenus à la charge, munis d’un avertissement étrangement peu constitutionnel disant qu’au titre de l’accord passé relativement à la non divulgation du secret, le FBI et le Département de la Justice avaient besoin de 30 jours pour étudier ce sur quoi j’allais témoigner. Les avocats ont vérifié et il s’est avéré que ce n’était pas légal, car un témoignage oral ne peut y être soumis – tu ignores ce qui va t’être demandé au tribunal. Donc, l’avertissement qu’ils m’ont remis était inconstitutionnel et illégal. Ils n’avaient aucun motif légal de m’empêcher de témoigner, si bien que je suis allée et, durant une déposition de cinq heures, j’ai répondu à toutes les questions et parlé de tout ce que je savais au sujet des affaires de corruption au Congrès, impliquant diverses entités turques.

Khatchig Mouradian : Depuis plusieurs années, c’est une affaire très frustrante pour toi. Tu as renoncé ? Y a-t-il quelque espoir de changement ?

Sibel Edmonds : Au niveau lambda, j’ai renoncé. J’ai fait tout ce qu’il était possible d’imaginer, que ce soit approcher le Congrès, le tribunal, l’Inspection Générale, les grands médias ou témoigner sous serment. Il n’y a plus rien à faire. Voilà où on en est. Il y a un blocage.

Au niveau plus global, je suis citoyenne des Etats-Unis et mère de famille. J’ai l’obligation, la responsabilité de défendre la Constitution, lorsqu’il me revient, et qu’il est de mon rôle de changer quelque chose. Et pour cela je ne renoncerai jamais. Aux Etats-Unis nous constatons nombre d’éléments de ce que nous considérons comme une politique d’Etat. J’observe cela dans des pays comme l’Iran, la Turquie, l’Egypte ou l’Arabie Saoudite. Or nous observons ces éléments aux Etats-Unis, une nation qui se vante d’être à l’avant-garde de la liberté, de la démocratie et des libertés civiques. Qu’arrive-t-il à cette nation ?

En tant que mère, je veux élever ma fille dans un endroit où elle se sente libre d’exprimer son opinion. Elle se trouve actuellement dans un pays où sa mère a été réduite au silence par des ordres visant à museler et une politique de secrets d’Etat.

J’ai grandi en subissant cela et je ne veux pas que ma fille grandisse en subissant cela.

NdT :

  1. Allusion à  l’affaire récente impliquant Larry Franklin, colonel en retraite de l’US Air Force et chargé des questions iraniennes au Pentagone, commandité par le FBI, et l’AIPAC (American Israel Public Affairs Committee) [Commission aux Affaires publiques Etats-Unis – Israël], soupçonné d’espionnage au profit d’Israël.
  2. Fête nationale américaine.
  3. http://123realchange.blogspot.com/2009/07/it-aint-about-hot-dogs-fireworks.html (blog de Sibel Edmonds).
  4. Dennis Hastert, ancien représentant (républicain, Illinois) au Congrès, qu’il présida de 1999 à 2007.
  5. Dennis Hastert a démissionné de son poste de représentant en novembre 2007.
  6. Notice biographique in http://en.wikipedia.org/wiki/Bob_Livingston.
  7. Notice biographique in http://en.wikipedia.org/wiki/Stephen_J._Solarz.
  8. Notice biographique in http://en.wikipedia.org/wiki/Jean_Schmidt

Source : http://www.hairenik.com/weekly/2009/08/21/exclusive-interview-with-fbi-whistleblower-sibel-edmonds/

Traduction : © Georges Festa pour Denis Donikian – 08.2009. Avec l’aimable autorisation de Khatchig Mouradian.

21 août 2009

Proverbes arméniens et autres…

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Qu’importe si la poule est laide pourvu qu’elle ait les dents blanches

*

 

Qui vole un œuf vole un cheval

Tout voleur a la langue courte

Tu es autant d’hommes que tu sais de langues

Chance du passant quand les chiens se chamaillent

Le génie mange des légumes

Pauvre tu n’es pauvre voisin tu as

Qui a mal sait le mal

L’or du dehors reste dehors

La queue du renard est son témoin

L’homme ange pour l’homme, démon pour l’homme

À couper la pastèque quel cœur se rafraîchit ?

Pour abricot mûr, bouche ouverte

À fou rassasié, sage nostalgique

Le fou dit et le sage croit

Au lieu du rossignol un aigle est descendu

Taille de géant cerveau de souris

Ventre plein corps travaille

Vieillis tu sauras les maux de la vieillesse

Cœur noir dents blanches

Tout costumé noir n’est pas prêtre

Sur l’œil des jeunes est un rideau

Cerveau des jeunes moulin sans eau

Vieillesse est dépendance

Mille pierres pour un seul arbre

Fille qui dort fille de malheur

Ce qui n’a pas connu la naissance ne peut connaître la mort

Ton éclat dilue l’obscurité des murs

La fille d’un foyer devient la lumière d’un autre

Visage blanc goût noir

Qu’importe si la poule est laide pourvu qu’elle ponde

Certains aiment le prêtre, d’autres la femme du prêtre

Chaque tête ne produit qu’un seul son

Si la figure du menteur est noire, son âme, elle, est  diabolique.

Celui sur lequel on ne crache pas est-il digne qu’on l’avale ?

Il lit l’évangile sur la tête du loup

Toi seigneur, moi seigneur, et qui moudra le blé ?

Plus douce est la voix, plus facile à sortir de son nid le serpent

Saint dehors, diable dedans

Qui vole la nuit dit : « Pitié seigneur » le jour.

Celui que tu nourris aujourd’hui te trahit aujourd’hui même

Ta barbe brûle et l’autre dit : attends que j’allume une cigarette

Quand le chat prend la souris, c’est pour son ventre.

Assis au plus bas ne parle pas de haut

Petit homme grande langue

Petit homme a de grands rêves

Pas de juge pour un type tordu

Il n’y a personne à l’étage supérieur

Ces mêmes proverbes en version personnelle

Qui vole un œuf n’est pas prêtre

Tout voleur est un sage nostalgique

Quant le fou parle, le sage mange des légumes

Pauvre tu nais reste dehors

Qui a mal est son seul témoin

Le fou est rassasié et le  sage croit

Taille de géants, moulin sans eau

Ventre plein maux de vieillesse

Plus tu vieillis et plus tu sais que l’homme est un démon pour l’homme

Cœur noir, bouche ouverte

Tout homme costumé noir n’a pas forcément les dents blanches

Les jeunes regardent mais ne voient pas

Ta jeunesse est un moulin sans eau

Vieillesse est fille de malheur

Mille demandeurs pour une seule vierge

Fille qui dort, moulin sans eau

Tu éclaires la lumière des autres

Notre fille est pondeuse chez les autres

Qu’importe si la poule est laide pourvue qu’elle ait les dents blanches

On ne lit pas l’évangile sur des chiens qui se chamaillent

Le chien aboie, le chat prend la souris

Voix douce sur la tête du loup

Le diable vient à toi sous les apparences d’un saint

Assis bas mais grande langue

20 août 2009

Sagesse du désert : texte du 20 août

Filed under: APHORISMES — denisdonikian @ 5:15
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S’il y a du feu sous la marmite.


Une frère demanda à abba Poemen : « Dis-moi une parole ». Et il lui dit : « Tant que la marmite est sur le feu, une mouche n’y peut  toucher pas plus qu’une autre bestiole. Mais quand la marmite est froide, alors elles s’y posent. Ainsi en est-il du moine : tant qu’il persévère dans les pratiques spirituelles, l’Ennemi ne trouve pas le moyen de le faire tomber ».

In Sagesse du Désert, 365 textes des pères du désert rassemblés par le Père Benoît Standaert, obs ( Editions de Solesmes)

19 août 2009

Your breasts are grapes…

*

TEXTE ORIGINAL ARMENIEN

Donabed Gochavanktsi (1542-1609)

*

traduction anglaise

Your breasts are grapes in the palms of my hands

Your skin velvet, vibrant with confusion

Your forehead a tabernacle of grace


Your laughter a deliverance

And your silence the spotless coat of things

I spread your thighs like pages from the Song of Songs

Where beneath its Burning Bush,

The water is thirsty for drinking

There my tongue seeks

The sap that will revive

Man in his dying throes

*

Traduction française

 

Tes seins sont du raisin dans mes paumes

Ta peau est un velours vibrant de confusion

Ton front un tabernacle de grâce

Ton rire une délivrance

Et tes silences le manteau immaculé des choses

J’ouvre tes cuisses comme un livre du cantique

Où vit sous son Buisson ardent

L’eau qui a soif d’être bue

Ma langue y quête

Le suc qui doit ressusciter

L’homme en son agonie

17 août 2009

COLLECTIF ARMENIE MAINS TENANT

Itinéraire Garni-Geghart par la vallée.

*

Le temps critique ne vaut que s’il ouvre sur des chemins inexplorés. En l’occurrence, l’Arménie offre de nombreux visages et paysages qui n’attendent qu’à être rencontrés. La question est de savoir comment un passionné d’Arménie peut donner un coup de pouce à son niveau à ceux qui  habitent le pays dans les conditions précaires que l’on sait.  Que peut faire celui qui ne souhaite pas réduire sa connaissance de l’Arménie au centre ville d’Erevan, ni aux « monuments-qui-se-visitent » ici ou là, qui voudrait sortir des sentiers battus pour trouver une nature intacte, des monuments perdus et des gens, oubliés de tous, qui s’accrochent à leurs terres ?

Voici donc une idée qui existe déjà à l’état expérimentale et embryonnaire mais qu’il conviendrait de systématiser et de développer. A chacun de dire si elle lui paraît applicable ou non.

Il s’agirait de créer un collectif, que l’on pourrait nommer Collectif Arménie Mains Tenant, dont le but serait de créer, centraliser, promouvoir et développer des itinéraires de randonnées nouveaux en Arménie.

Le groupe défricheur serait chargé de décrire par le  menu un itinéraire en en mentionnant les difficultés, les sites intéressants (églises, monuments, panorama), les lieux où loger, etc.

L’obligation serait de sensibiliser la population autochtone de manière à créer des gîtes d’étape.

De la sorte, le rapprochement entre diaspora et Arméniens de l’Arménie profonde ne peut être que bénéfique dans les deux sens.

Cet itinéraire accompli une fois pourrait servir à d’autres personnes qui souhaiteraient sortir des sentiers battus.

Cette idée pourrait même servir à susciter sur place non seulement de petites structures fondées sur le tourisme vert mais  des emplois comme celui de guide, ou  liés au maintien de la piste. De fait, les autochtones commenceraient à regarder leur environnement autrement et chercheraient à le valoriser. Nul doute aussi que la sensiblité des occidentaux aux problèmes écologiques influencerait les Arméniens du crû pour la préservervation de leur milieu naturel.

Déjà, sur la route de Bardz Lidj dans le Dilidjan, l’ancienne maison des cinéastes vient d’être transformée en gîte étape. La forêt  abrite des arbres magnifiques et une végétation intacte digne d’un Bakounts.

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Fleurs de la forêt de Bardz Lidj ( photo D. Donikian)

*

Par ailleurs, si l ‘association se constituait, elle serait à même d’établir des contacts avec les mairies et de faciliter ainsi l’accueil des marcheurs.

Il existe en Arménie de nombreux monuments religieux perdus dans les forêts que personne ne visite. Ou des arbres centenaires. Ou des lacs superbes.

Par exemple, il est possible de rejoindre le complexe d’Harardzine par les collines du Dilidjan. Des Allemands l’ont déjà fait.

Autre exemple : le tour complet du Lac Sevan à pied. Toute la partie nord est quasiment oubliée de ceux qui aiment ce lac.

Mais aussi le parcours Garni-Geghart en prenant par la vallée.

Et combien d’autres encore !

Voilà donc une idée. Je l’offre à mes lecteurs qui me croient noir de noir alors que je suis vert de vert.

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Bardz Lidj ( photo D. Donikian)

Voir le site : MARCHER EN ARMENIE

15 août 2009

Scandaleuse Arménie…

Suite de la rubrique « Denis Donikian m’agace », voici trois façons de se loger en Arménie : entre deux extrêmes stupéfiants, une série de modes intermédiaires. Il est vrai qu’ailleurs, c’est pire étant donné qu’en Arménie, il n’y a pas de bidons-villes concentrés en un espace délimité. Mais un donateur arménien de la diaspora, devenu par patriotisme une sorte de crypto-contribuable,  est en droit de se demander comment la mère patrie, qui a connu un tremblement de terre, une guerre et des décennies de communisme, a été capable en à peine vingt ans d’admettre par ses lois que des Arméniens se logent les uns dans des palais les autres dans des cabanes de fortune. Ce donateur, qui peut légitimement se considérer comme un citoyen économique du pays, n’est-il pas également en droit de demander des comptes à un gouvernement qui permet des richesses scandaleuses et qui tarde à mettre en place une véritable politique de partage ? A l’heure où Madame la ministre chargée des relations avec la diaspora lui demande de favoriser la petite entreprise en Arménie, cette diaspora, au regard des lois socialement désespérantes qui sévissent dans le pays, ne devrait-elle pas avoir son mot à dire dans ce domaine ? De fait, ce ministère n’a d’autre ambition que de ponctionner la diaspora qu’elle sait en voie de disparition et dont elle ne veut sauver que ce qui l’intéresse : son argent. C’est que, avec la crise, manque de plus en plus l’apport de cette diaspora que les gouvernements successifs d’Arménie ont volontairement créée dans l’espoir que les pourchassés aideront financièrement leurs parents restés au pays. Il est vrai que l’Eglise n’a rien à lui envier : chaque Arménien richissime sur le point de mourir s’empresse de se ménager une éternité dans l’histoire arménienne en lui offrant  tout ce qu’il possède. Si l’on adopte ce point de vue,  Etchmiadzine ne serait qu’un coffre-fort camouflé  en maison de Dieu. La preuve, après l’église Sourp Loussavoritch, l’Eglise arménienne va s’implanter rue Abovian pour ses réceptions mondaines et autres. Et il est fort à parier qu’elle n’aura pas songé à y établir des restos du cœur. Si tant est qu’il y ait du cœur dans un coffre.

En bref, il est heureux tout de même que les Arméniens aient une culture chrétienne de 1700 ans d’âge. Cet héritage ne leur a certes pas toujours appris à partager ni à préférer l’amour du prochain à l’amour de soi, sauf dans des aghpéroutyoun aussi artificiels que douteux,  mais on n’ose pas imaginer quelle ignorance de l’autre pratiqueraient les Arméniens entre eux s’ils n’avaient pas été évangélisés. Et je n’ose pas dire qu’ils ont construit des églises au cours de siècles sans même imaginer que leurs descendants d’aujourd’hui s’extasieraient devant leurs restes ou leurs ruines et qu’ils prendraient leurs traditions religieuses pour de la foi.

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Voir aussi : Vivre sous terre en Arménie.

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Photos ci-dessous : Denis Donikian  ©

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L’avantage de ce type d’habitat, c’est que les toilettes sont partout et qu’il n’y  a pas besoin de chasse-d’eau.

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Ici, au moins on peut dire qui habite où.

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Il y a même eu des journalistes de la diaspora pour dire que c’était bô

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