Ecrittératures

28 février 2009

Itinéraire avant l’oubli (5)

Filed under: Uncategorized — denisdonikian @ 7:53

entrailles

 » Entrailles de biographie »
*

Dans l’épreuve du carrefour
Précipité et pris
Entre un amour domestique
Et la femme absolue
Que la chair ni le temps n’épuisent
Que faire sinon trancher
La veine et l’enfer se vider

25 février 2009

Chimiothérapie (7)

Filed under: Uncategorized — denisdonikian @ 6:28

Ciels de jacinthe Ciels brûlants
Orfèvres corporels
Loin des remous du doute et de la peur
Sous la gaze flottante d’étincelles
Être danseur de sa joie retrouvée
De sa force sacrée
Et de nouveau chasseur de mythes

23 février 2009

Chimiothérapie (6)

Filed under: Uncategorized — denisdonikian @ 12:55

Rires dévorés rêves en ruines
Les reins à coups de coeur harcelés
Je couve de lâches incertitudes
Dans l’atroce labyrinthe de mes chimies thérapeutiques
Dormir Mourir
Sur les seins qui furent
Le souffle de mon sang

21 février 2009

Joan George : « Merchants to Magnates, Intrigue and Survival »

Filed under: LIVRES — denisdonikian @ 7:48
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george
*

Joan George :

Merchants to Magnates, Intrigue and Survival :

Armenians in London, 1900-2000

Avec un avant-propos de Christopher J. Walker

[en anglais]

(Massis Weekly, 27.12.2008)

Joan George : Merchants to Magnates, Intrigue and Survival : Armenians in London, 1900-2000. [Des marchands aux magnats – Intrigues et survie : Les Arméniens à Londres, 1900-2000] With a foreword by Christopher J. Walker. Gomidas Institute, 2009, xii-282 p, carte, photograpies, index. ISBN : 978-1-903656-82-3. Prix : 16 livres GB – 25 dollars US, frais de port non compris.

Au sujet de l’ouvrage :

D’après l’avant-propos de Christopher J. Walker (extraits) :

La présence des Arméniens en Grande-Bretagne est visible depuis plus d’un siècle. Ils sont apparus de différentes manières : ingénieurs, médecins, intellectuels, financiers, marchands de tapis, musiciens ou réfugiés politiques. Londres a constitué le principal lieu d’établissement, bien que Manchester fût plus important à la fin du 19ème siècle. Ils se sont en partie assimilés, bien qu’ils aient continué à demeurer à part, d’une manière que l’on pourrait qualifier d’exemplaire en cette période où il est question de multiculturalisme…

La présence des Arméniens en Grande-Bretagne semble souvent avoir été admirée pour leurs qualités britanniques de « fair play », de savoir-vivre et de rectitude morale, valeurs typiquement chrétiennes. Voilà globalement quel fut l’attitude de l’opinion britannique jusqu’à la fin des années 1950, lorsque la diversité, la vitalité et l’humour firent une intrusion en force, brisant le masque de l’unité (maintenu par une hypocrisie qui n’était pas des moindres…).

Nous découvrons aussi un exemple vivant des pressions politiques qui pouvaient s’exercer sur les Arméniens de Grande-Bretagne, à travers une anecdote que relate Joan George concernant le professeur Garabed Hagopian, qui vivait à Fulham, au sud-ouest de Londres. Ce notable publiait un journal qui traitait ouvertement des mauvais traitements (et pire) auxquels les Arméniens étaient sujets dans l’empire ottoman. Le sultan ottoman Abd ul-Hamid II eut apparemment vent de cette publication et déposa une plainte auprès du Premier ministre britannique, lord Salisbury. A cause de l’alliance tacite et officieuse entre la Grande-Bretagne et la Turquie, deux officiers des services secrets anglais se rendirent au domicile du professeur Hagopian. Un discours énergique prononcé à la Chambre des Communes par James Bryce (qui devint plus tard lord), grand défenseur des Arméniens, mit alors un arrêt à toute forme de harcèlement policier.

La Première Guerre mondiale fut l’époque la plus critique, et de fait tragique, pour les Arméniens. La description de la communauté arménienne de Londres entre 1914 et 1918 en souligne les points forts : comités, actions de solidarité, discours. A l’époque, la Grande-Bretagne était, pour la première fois depuis des décennies, du côté des Arméniens. Tout en détaillant l’effort de guerre des Arméniens de Londres, Joan George nous rappelle tous ces Arméniens qui furent tués sur le front occidental, servant dans l’armée britannique…

Joan George souligne aussi le rôle des Arméniens en Grande-Bretagne lors de la Seconde Guerre mondiale. Citons le cas de l’as de l’aviation Noel Agazarian qui, malgré s’être vu un premier temps refuser l’entrée de l’université d’Oxford au motif de « coloured gentleman » [homme de couleur], y fut accueilli par le Wadham College, davantage progressiste. Il rejoignit ensuite le bataillon aérien de son université, avant de devenir un as de l’aviation lors de la Bataille d’Angleterre. Il fut finalement abattu dans le désert libyen. Le destin de son frère Jack est rappelé : membre du SOE [Direction des Opérations Spéciales], il fut capturé à Paris par la Gestapo, torturé et assassiné en mars 1945.

La communauté arménienne britannique était si diverse que, quasiment tout de go, l’on passe des horreurs de l’occupation nazie de l’Europe au Zorian String Quartet, un ensemble dans lequel la violoniste Olive Zorian et ses collègues introduisirent une culture innovante en Grande-Bretagne, à une époque où l’opinion était peu consciente de ce qu’elle recherchait.

On pourrait comparer la présence arménienne en Grande-Bretagne à un ensemble de courants différents se jetant dans un grand fleuve, parfois divers, complexe et autre, à savoir la vie en Grande-Bretagne. Ils ont parfois créé quelques turbulences, mais le plus souvent ont adopté de façon créatrice les qualités britanniques.

Au sujet de l’auteur :

Joan George est Britannique, d’origine arménienne. Sa mère, Marie-Nevarte Manoukian, née dans la communauté arménienne de Manchester, s’assimila lorsqu’elle épousa Roger Chorlton, qui appartenait à une ancienne famille de l’élite de Manchester. Néanmoins, bien que née d’un père anglais, éduquée et élevée à l’anglaise, Joan garda un intérêt pour ses origines ethniques.

Après avoir passé la plus grande partie de sa longue existence dans le sud de l’Angleterre, en s’adonnant à des activités d’écriture, elle décida finalement de faire des recherches sur le passé sociopolitique et familial des Arméniens de Manchester. Le résultat fut un premier ouvrage, intitulé Merchants in Exile : the Armenians in Manchester, England, 1835-1935 [Marchands en exil : les Arméniens de Manchester, Angleterre, 1835-1935] (Londres : Institut Komitas, 2002).

Traduction : GF pour Denis Donikian – 21.02.2009

Article original

Yervant Odian Accursed Years : Yervant Odian : « My Exile and Return from Der Zor, 1914-1919 »

Filed under: LIVRES — denisdonikian @ 1:31
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odian

[Mes Années noires : exil et retour de Deir-es-Zor, 1914-1919]

Accursed Years : My Exile and Return from Der Zor, 1914-1919. Traduit de l’original arménien par Ara Stepan Melkonian, avec une introduction de Krikor Beledian (Institut Komitas), 2009, xvi-326 p., carte, photographies, index. [en anglais] Prix : 18 livres [22,41 euros] – 25 dollars, frais de port compris [17,67 euros]

Mes Années noires de Yervant Odian est un récit de premier ordre sur le génocide arménien, écrit par un intellectuel arménien en 1919, peu de temps après ces événements. Sa survie lors de cette période est probablement due au fait qu’il échappa aux arrestations à Constantinople durant la nuit du 24 avril 1915 en passant dans la clandestinité.

Odian fut finalement arrêté et exilé par différentes étapes jusqu’à El Boursera, après Deir-es-Zor. Il arriva là après que des centaines de milliers d’Arméniens eussent été tués dans cette région par la faim, les maladies et les massacres. La survie et la fuite d’Odian lui permirent de raconter son histoire et de donner un aperçu sur le destin de milliers d’autres. Mes Années noires décrit l’expérience terrible vécue par Odian, et néanmoins d’une façon sensible, allusive et parfois même humoristique.

Cet ouvrage suscitera la polémique dans le cadre universitaire, car il soulève des questions intéressantes à propos de notre compréhension du génocide arménien. Comment un intellectuel arménien, alors dans la quarantaine, a-t-il pu survivre à Deir-es-Zor ? Qu’est-ce que cela nous enseigne sur les récits conventionnels à propos du génocide arménien et la mise en œuvre du processus génocidaire ?

Les Mémoires d’Odian proposent une lecture fascinante et promettent de livrer de nouveaux horizons dans le débat sur le génocide arménien dans les années à venir.

Traduction : GF pour Denis Donikian – 21.02.2009

Article original : Massis Weekly, 27.12.2009

Cliquer pour accéder à pg11.pdf

20 février 2009

Chimiothérapie (5)

Filed under: Uncategorized — denisdonikian @ 4:46
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Le cerveau a versé dans l’ennui
Dans les rythmes apathiques du temps
Le sang fait son urine
Les mots avaient des corps de femmes
Se refusent aujourd’hui au désir
Et rient de mes avances
Ma table sent la jacinthe

19 février 2009

Chimiothérapie (4)

Filed under: Uncategorized — denisdonikian @ 11:00

Je cours dans les attentes
Des yeux électroniques écoutent mes organes
Remède fait son mal
Qui mord interminablement
On me prend de mon sang pour étude
Ma vie pour me la rendre
Viennent les ciels du pays
Rythmer le coeur après les crimes

IGR 19.02

17 février 2009

The River Ran Red de J. Michael Hagopian

Filed under: GENOCIDE ARMENIEN — denisdonikian @ 3:44
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Un acte de courage et d’amour

par Lalig V. Arzoumanian Lapoyan

(Massis Weekly, 8 nov. 2008)

Vendredi 24 octobre 2008 eut lieu la première du film The River Ran Red [Et le Fleuve rougit de sang], du Dr J. Michael Hagopian, lors du 11ème Festival international du Film ARPA, organisé à l’Egyptian Theatre d’Hollywood, Californie. Dans le sillage de The Voices from the Lake (2003) et Germany and the Secret Genocide (2004), cette œuvre très attendue complète la trilogie The Witnesses [Les Témoins], entièrement dirigée, écrite et produite par le Dr J. Michael Hagopian. The River Ran Red constituait un nouveau projet soutenu par la Fondation du Film Arménien (AFF), une organisation à but non lucratif de Californie, fondée par le Dr Hagopian. Cet événement commémorait aussi les trente ans de production documentaire de l’AFF, dont 17 films primés, portant sur des thèmes arméniens.

« Pourquoi est-ce arrivé ? Pourquoi est-ce arrivé aux Arméniens ? », s’interroge souvent le Dr Hagopian. En avril 1915, ordre fut donné d’expulser les Arméniens de leurs terres par le ministre de l’Intérieur, Talaat Pacha, l’un des membres du puissant triumvirat qui dirigeait alors la Turquie, outre Enver Pacha et Djemal Bey. Bien que les Turcs eussent conquis les territoires arméniens quelques six cents ans auparavant, les Arméniens occupaient néanmoins une région stratégique de l’empire ottoman. Ils furent de plus en plus influencés par les idées européennes de justice, de liberté et de démocratie. A cause de leur différence de religion, de langue et d’origine ethnique, le gouvernement les considéra comme une menace. « Ils poussèrent le fanatisme religieux jusqu’à massacrer, déporter, exterminer et éliminer les Arméniens de la carte », souligne le Dr Hagopian dans The River Ran Red. Les ordres furent diffusés par télégraphe depuis Constantinople jusque dans toutes les provinces de l’empire. La Première Guerre mondiale servit de couverture.

Plusieurs milliers d’années auparavant, les Arméniens établirent des royaumes sur les hauts plateaux à la source du légendaire Euphrate, qui s’écoule à travers le lieu supposé du Jardin d’Eden. Ces régions montagneuses furent très convoitées par les nations voisines d’Asie Mineure et du Moyen Orient, explique le Dr Hagopian. Les voix de ses compatriotes suppliciés l’ont conduit à parcourir les rives de l’Euphrate, suivre les pas des déportés arméniens qui marchèrent là et découvrir des survivants qui ont pu lui parler de ces marches de mort, de l’Euphrate vers les déserts syriens, leur cimetière ultime. Durant soixante minutes, l’assistance s’embarqua pour un voyage aux origines, à travers la caméra du Dr Hagopian : un pèlerinage vers « la route pour l’enfer », méticuleusement organisé et pensé par le régime des Jeunes Turcs sous l’empire ottoman, ainsi que durant la république de Turquie de Mustafa Kémal, sur le territoire occupé de l’Arménie historique entre 1923 et 1925.

« Weep no more lady,

O weep no more today

We will sing one song for the old Kentucky home

For the old Kentucky home far away »

« Ne pleure plus, ma douce

Ô ne pleure plus maintenant

Nous chanterons en souvenir de cette vieille maison du Kentucky

Cette vieille maison du Kentucky si loin d’ici ! »

chante l’homme dans le train dans The Human Comedy [La Comédie humaine] de William Saroyan. « Going home, boy – going back where I belong ! – he shouted. » [« Repartir, mon gars, retourner là d’où je viens ! – criait-il. »]

Né à Kharpert-Mezreh, sur les rives de l’Euphrate, le Dr Hagopian était alors âgé de deux ans. Il eut la vie sauve car il était caché dans un puits asséché, recouvert de mûriers. Son père, un chirurgien, et sa famille furent parmi les quelques miraculés qui survécurent à ce désastre, réussissant à gagner Boston, qui devint leur nouvelle patrie.

Ces quarante dernières années, le Dr Hagopian a consacré sa vie à rechercher des témoins oculaires du génocide arménien et à filmer leurs témoignages. Il a voyagé à travers tous les continents et a interviewé quatre cents survivants, qui se retrouvèrent dans les caravanes de mort le long de l’Euphrate. « J’ai découvert des survivants dans de nombreux pays, étrangers les uns aux autres, parlant dans treize langues différentes, mais qui avaient tous le même récit à dire au monde : « Nous sommes tous les survivants d’une vérité toute simple. Nous avons vu un génocide colossal. Nous en avons été témoins de nos propres yeux. » C’est le récit de survivants témoins oculaires, dont les cauchemars sont devenus les miens. C’est le récit sans fard, terrifiant et aberrant du génocide arménien perpétré par le gouvernement turc ottoman en 1915 », explique le Dr Hagopian dans le film.

« Les Turcs m’ont placé dans un orphelinat turc […] Il y avait à peu près 300 enfants […] Qui peut appeler les Turcs à la prière ? […] J’avais une belle voix […] J’ai dû accepter […] Mon père était religieux […] Ils m’ont obligé à déterrer certains des hommes fameux qui étaient enterrés dans l’enceinte de l’église et à uriner sur eux. » – Harry Kurkdjian, Détroit, Michigan, 1985.

« Ma mère n’avait plus de lait à donner au bébé […] C’est trop lourd, je ne peux plus la porter […] Ma fille, dépose-la sous ce buisson, partons […] Je ne voulais pas déposer ma sœur à terre […] Elle m’a obligée […] Je veux partir et prendre ma sœur […] Une nuit, je suis réveillé par mon père qui criait. Il pleurait comme un enfant. Je m’approche de lui et je sèche ses larmes avec mes doigts […] Puis j’entends quelqu’un chanter au loin, dans une autre partie du camp : « Oror im anmegh aghvani » [« Dors, ma colombe innocente »] […] Aujourd’hui encore, j’entends ce duo, les cris de mon père et ces lamentations pleines de mélancolie. » – Vartouhi Keteyian, Detroit, Michigan, 1985.

« Ma mère me dit : « Azad, cours, je courrai derrière toi […] Je n’ai pas vu où elle est partie en courant. On a marché pendant un mois, traversant des régions sauvages, marchant à travers le désert, deux enfants […] Tout d’un coup, on a entendu une voix […] « De l’eau ! de l’eau ! » Une voix qui appelait. C’était une jeune fille. Nous l’avons trouvée enterrée. Seule sa tête dépassait du sable. Le soldat turc lui avait fait subir toutes sortes de tortures. Après l’avoir torturée et violée, il l’avait enterrée dans le sable […] Tu peux mourir là comme un chien ! Des centaines, des milliers sont morts comme des chiens ! Toi aussi tu peux expirer ici ! […] Il l’a abandonnée et puis il est parti. » – Azadouhi Aposhian, Sydney, Australie, 1985.

« L’avocat m’a donné en cadeau à une famille turque. Les enfants arméniens n’avaient aucune valeur. On pouvait les distribuer, les tuer, faire tout ce qu’on voulait […] La nuit, ils massacraient les hommes ; le jour, les femmes et les garçons […] J’ai fui dans la forêt […] J’ai vu les massacres […] Je les ai vus de mes propres yeux ! » – Hagop Boyarzian, Sydney, Australie, 1985.

« Qui suis-je ? Je ne peux pas vous le dire. Je ne sais pas […] Quel est mon vrai nom ? Quand suis-je né ? Où ? Qui étaient mes parents ? » – Jirayr Suchiassian, Melbourne, Australie, 1985.

« Tout d’un coup, on a vu beaucoup de bébés qui criaient, enterrés dans le sable, seules leurs têtes dépassaient du sol. Nos gardiens se sont précipités sur eux et les ont tué en les écrasant de leurs pieds. Les cris se sont arrêtés. » – John Yervant.

« Tous ceux qui veulent changer de religion peuvent rester ! […] Allez à la mairie vous inscrire ! […] Quelques-uns sont restés, des riches, ils ne voulaient pas laisser derrière eux leurs terres et leurs biens […] Ils sont devenus musulmans. » – Vahran Morookian, Los Angeles, 1985.

« Je devrais haïr les Turcs, mais comme je suis chrétien, je dois apprendre à leur pardonner. Mais je n’oublierai jamais cette tragédie horrible que le gouvernement et certains Turcs ont imposé à un million et demi d’Arméniens, qui en sont morts ! » – Richard Ashton, Fresno, Californie, 1986.

« En 1953, je suis allé dans la ville de Gurun où je suis né en 1911. Mehmet Zeidan, qui parlait arménien et turc, vint me voir avec d’autres Turcs à ma chambre d’hôtel […] Il déposa à mes pieds une corbeille de fruits. Alors il m’a dit en turc : « C’est de ton jardin […] Merci à toi. » Il leva les bras et me demanda de lui pardonner. Je lui ai dit : « Que Dieu vous bénisse, que Dieu vous pardonne, mais j’ignore qui vous êtes […] » Il me dit qu’il avait tué mon père, mes trois frères et qu’il avait confisqué notre maison et notre jardin. » – Père Guerguerian, retraité de l’Eglise Catholique Romaine, New York, N.Y., 1988.

« Ils prenaient les vieux, les malades, ils versaient de l’essence sur eux et ils les brûlaient. Pas seulement cette fosse. J’ai vu trois ou quatre autres fosses. Tous de la même manière […] On vivait près de l’Euphrate. Mon frère et moi on allait nager dans le fleuve. On voyait des corps flotter le long du fleuve, des centaines, des milliers de corps. » – Un témoin arabe, Nium Sukkar, Detroit, Michigan, 1999.

A l’appui de cette recherche empirique des témoignages de parents de missionnaires – tels que George Partridge, fils d’Ernest Partridge, qui était à l’époque missionnaire chrétien à Sivas, en Turquie -, ainsi que des documents d’archives, des lettres officielles, des séquences de films et des photographies. Le consul d’Allemagne à Ras ul Ain, Rossler, note en 1916 : « Chaque jour, trois déportés sur cinq cents sont retirés d’un camp de concentration, puis abattus à une distance de dix kilomètres de Ras ul Ain. » Un rapport spécial du consul des Etats-Unis à Alep, Jesse Jackson, adressé au Secrétaire d’Etat, relate l’arrivée en août 1915 de 5 000 déportés affreusement amaigris, venus de Sivas. Une autre lettre de ce consul, datée du 5 juin 1915, à l’ambassadeur des Etats-Unis, Henry Morgenthau, décrit le flot des Arméniens déportés : « Ils sont dispersés à travers le désert afin d’y mourir de faim ou de maladies sous un soleil brûlant. Il s’agit sans aucun doute d’un programme soigneusement planifié visant à exterminer entièrement la race arménienne. »Les recherches d’Aram Andonian, un jeune intellectuel originaire de Constantinople, confirme les rapports des agents consulaires occidentaux. Dissimulé dans le sous-sol de l’Hôtel Baron à Alep, où résidait Djemal Pacha, qui y avait établi son état-major durant la guerre, il surveilla attentivement les activités du gouvernement turc. Les photographies prises à Alep par le Dr Armin Wagner, qui était alors membre de la Croix Rouge allemande, outre des clichés récemment découverts dans les archives militaires allemandes, confirment l’authenticité de ces preuves.

Un million et demi d’Arméniens sont morts lors du génocide. L’assistance apprit que 250 000 d’entre eux furent jetés dans l’Euphrate. Durant l’été et l’automne 1915, 870 000 Arméniens environ sont arrivés en Syrie. Ils furent dispersés sur trois fronts. L’un en direction du nord de l’Irak. Un autre vers le sud, d’Alep à Damas. Le groupe le plus nombreux – 590 000 – se déplaçait le long de l’Euphrate vers Deir-es-Zor. Durant ces marches entre Alep et Deir-es-Zor, les déportés mouraient par centaines – 500, 600 – chaque jour. 192 000 furent massacrés à Deir-es-Zor. 200 000 furent passés au fil de l’épée et brûlés dans des grottes à Sheddeh. Des condamnés furent libérés de leur prison à Ras-ul-Aïn afin de massacrer 300 000 autres Arméniens sans défense, des vieillards, des enfants. « En 1916, les Arméniens qui avaient survécu aux marches de la mort furent conduits de force vers le désert de Deir-es-Zor. Les massacres les plus grands en nombre, lors du génocide arménien, eurent lieu dans les camps de concentration de ce triangle désertique entre l’Euphrate et le Khabur, une véritable décharge pour les Arméniens rejetés, l’enfer sur terre, un lieu d’anéantissement, de non retour. », rappelle le Dr Hagopian.

Tout en exprimant, de sa voix frêle de nonagénaire, d’humbles mots de gratitude à tous ceux qui ont participé à la réalisation de The River Ran Red et rendu possible ses recherches, le Dr Hagopian semblait avoir trouvé une paix intérieur nouvelle : une paix semblable à celle qu’un marin peut ressentir, lorsque son regard rencontre enfin les calmes rivages, l’aurore venue, après une nuit de combat incessant contre les vagues en furie de l’océan ; la paix que peut ressentir un médecin à la vue d’un sourire sur le visage de son patient en voie de guérison ; ou bien celle d’un enfant lorsqu’un parent qui l’adore le prend dans ses bras. Toutes ces années de labeur assidu, d’une quête obstinée des voix oubliées de ses compatriotes victimes, ont ramené le Dr Hagopian chez lui : un lieu qui ne se trouve pas sur une carte, qui n’est restreint ni par le temps, ni par l’espace, mais qui réside dans son cœur.

Les témoignages oculaires des survivants arméniens, qu’a rassemblés si soigneusement et si méticuleusement le Dr Hagopian dans The River Ran Red, appuyés par des travaux d’archives, démentent les affirmations d’innocence de la Turquie. Leurs dires soulignent que les déportations furent un code pour l’extermination, que l’anéantissement était prédéterminé et que les plans furent centralisés. De tous les survivants qui ont témoigné à l’écran, le Dr Hagopian est le seul à être encore vivant : un modèle de courage, de compassion, de persévérance, d’humanité et d’engagement en faveur de la justice.

La sonorité nostalgique du duduk arménien, les « sharakans » ancestraux et les chants mélodieux des déportés accompagnent leurs pas. Le décor est majestueux : bleu indigo de l’Euphrate, végétation luxuriante par endroits. Difficile de croire qu’une telle magnificence ait pu être le lieu de tant d’horreurs. « Où es-tu, Dieu ? », se lamentaient les femmes. « Pourquoi nous abandonnes-tu dans un tel désastre ? » Or ces atrocités furent commises par la main de l’homme. Faisant rougir de sang les eaux de l’Euphrate, obstruant ses rives des cadavres de victimes innocentes, jeunes et âgées. Le temps a effacé ces atrocités. L’Euphrate et ses rives ont préservé leur splendeur. De même que l’âme du peuple arménien. Quant aux victimes qui succombèrent sous le glaive, elles étaient présentes ce soir-là et demeureront vivantes et honorées dans la conscience collective du peuple arménien.

Traduction Georges Festa pour Denis Donikian – 02.2009

Article original en anglais

Itinéraire avant l’oubli (4)

Filed under: Uncategorized — denisdonikian @ 1:09
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geonirisme-5

Géonirisme 5
*

Montagne
Accueille dans ta forme
L’homme qui gisait dans sa nuit
Au jour du jugement
par Ta substance

16 février 2009

Itinéraire avant l’oubli (3)

Filed under: Uncategorized — denisdonikian @ 12:56

Homme costumé de ce monde
Je suis le temps qui passe
Vagabond sur un long chemin
De trompettes et de ruines
De débâcles et de violons
Comme si mon sang avait figé
Ta Lumière sur mes lèvres

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