Ecrittératures

15 Mai 2015

Justes et attitudes justes (2)

Filed under: Uncategorized — denisdonikian @ 5:17
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CelalDrRachoDonef

 Djelal bey et Faïk Ali bey

1 – Dans l’introduction de son livre, Les grandes puissances, l’Empire ottoman et les Arméniens dans les archives françaises (1914-1918) (pp. LII, LIII, publication de la Sorbonne, 1983) Arthur Beylerian donne quelques noms de fonctionnaires turcs, « suffisamment épris de justice », pour avoir su résister aux instructions de leur gouvernement. Il s’agit des gouverneurs Djelal bey, vali d’Alep, Mahzar bey, vali d’Angora, Djemal bey, mutasarif de Yozgad ou Rechid pacha, vali de Kastamouni, préférant leur destitution à leur complicité. Il faut aussi compter les refus des kaïmakan de Bechiri, Sabit bey El-Sueïdi, un Arabe, et de Lidjé, Nessimi bey, un Turc né de mère crétoise, qui en perdit la vie. Celui de Kutahia, Faïk Ali bey, resta à son poste tout en protégeant les Arméniens de son district.

2 – Jusqu’alors en poste à Alep, du 11 août 1914 au 4 juin 1915, Djelal bey vient le 18 juin 1915 remplacer Azmi bey, ancien préfet de police d’Istanbul, nommé comme vali au Liban. Raymond Kévorkian (op. cit. pp. 712-713) souligne le refus de Djelal bey de déporter les Arméniens de sa province. Les Jeunes-Turcs vont profiter de son départ à Istanbul pour des soins, pour diriger vers le sud trois mille Arméniens de Konya. Rentré d’Istanbul le 23 août, Djelal bey parvient à sauver le second convoi composé de 300 familles. Ces Arméniens subsisteront jusqu’en octobre, prodiguant des soins aux dizaines de milliers de compatriotes transitant par la gare de Konya, avant d’être déportés à leur tour avec la mutation de Djelal bey.

3 – Le cas de Faïk Ali bey est d’autant plus intéressant qu’il maintint les Arméniens de la région dans leurs foyers du fait de l’opposition de la population turque locale et principalement de deux familles de notables, les Kermiyanzâde et les Hocazâde Rasik (R. Kévorkian, op. cit., page 702). Curieusement, Talaat laissa faire et permit ainsi à des déportés de Bandirma, Bursa et Tekirdagh d’échapper à leur sort, jusqu’à leur liquidation par la Grande Assemblée d’Ankara quelques années plus tard.

4 – Le refus de relayer les ordres de massacres donnés par le Dr Atif, responsable du CUP à Malatia, valut sa révocation à Hassan Mahzar, préfet d’Angora/Ankara en 1915 (R. Kévorkian, site Imprescriptible : Pour une typologie des « Justes » dans l’Empire ottoman face au génocide des Arméniens). Sa non implication dans l’extermination des Arméniens fut une garantie pour le nommer à la tête de la commission d’enquête instituée le 23 novembre 1918, après l’armistice, en vue d’instruire le dossier des criminels jeunes-turcs. En dépit des pressions, malgré la mauvaise foi manifeste des inculpés, les procès permirent la mise au jour de documents et de révélations de première importance. Si les « papiers » du CUP furent détruits avec la fuite des principaux responsables, le dossier Mazhar, conservé dans les Archives turques, suffit à montrer l’évidente planification des massacres.

5 – Officier du renseignement attaché à l’état-major turc durant toute la durée de la Première Guerre mondiale, l’historien Ahmed Refik [Altınay] osera publier un ouvrage dénonçant les crimes anti-arméniens et révélant le rôle de l’Organisation spéciale (R. K, op.cit). Malgré les demandes de Moustapha Kemal, dont il était un ami proche, il ne renoncera pas à la sortie de son livre, fruit de son expérience et de ses observations. Exclu de l’université, privé de toute fonction officielle, il fut marginalisé jusqu’à sa mort sans jamais se dédire.

Un commentaire »

  1. Il ne fait aucun doute que certaines archives « compromettantes » furent détruites dès la fin de la guerre.
    On n’allait pas tout même laisser trainer des ordres (encore fallait-il qu’ils soient enregistrés) demandant les « déplacements » terme peu adapté à ce qui s’est passé en réalité.
    Il y eut une système de « double information » qui déguisait les consignes.
    Quelques hommes ont bravé ces ordres à leur dépens, ce sont des « justes » qu’il convient de citer.

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    Commentaire par antranik21a — 15 Mai 2015 @ 5:45


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