Ecrittératures

19 Mai 2015

Le Sindjar : un refuge dans la montagne

Filed under: Uncategorized — denisdonikian @ 6:53
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1 – L’article d’Yves Ternon, dans la Revue d’histoire de la Shoah (Ailleurs, hier, autrement, connaissance et reconnaissance du génocide des Arméniens, N° 177-178, Janvier-Août 2003) porte sur l’exceptionnel refuge que constitua, pour les Arméniens de l’Empire ottoman durant les persécutions de 1915, la montagne du Sindjar, à l’instar du Dersim (vilayet de Kharpout). En effet, « toute fuite [était] impossible, ni par mer, ni au sud, par le désert, dans les régions hostiles où [n’existait] aucune présence arménienne ». Même déguisé, tout Arménien qui se présentait dans un village souvent composé d’un seul groupe ethnique ou religieux (kurde, arabe, nestorien, jacobite, chaldéen, syrien catholique, turc, laze…) était vite démasqué. Et s’il était accueilli ou enlevé, surtout en pays kurde, il était à la merci des humeurs de son maître.

2 – Immense plateau calcaire, percé de multiples grottes, qui se dresse au-dessus de la Mésopotamie, le Sindjar, caza du merkez-sandjak de Mossoul, possédait, en 1884, 18 000 habitants dont 50% étaient des Yézidis arrivés au XIIe siècle pour se mettre à l’abri des nomades kurdes et arabes. Hérésie de l’islam, fondée par le mystique soufi d’orthodoxie sunnite, Cheik Adi (1073-1162) le yézidisme serait la religion nationale du Kurdistan, dans le Bohtan, le Haut-Tigre et le Sindjar. Manichéens, respectueux des croyances chrétiennes et méfiants vis-à-vis des musulmans, les Yézidis se refusent d’offenser le diable et vénèrent Dieu et les sept anges, dont le chef est melek Taous, le dieu Paon, oiseau à tête de coq.

3 – Seul Hammo Chero, maître du Sindjar, permettra à des centaines de chrétiens, à majorité arménienne, de survivre et d’échapper au massacre et au pillage par les tribus arabes des Taï et des Chammar, durant la Première Guerre mondiale. Au début de juillet 1915, des réseaux vers le Sindjar sont organisés à partir de Nisibe et Ras-ul-Aïn avec des convoyeurs arabes ou circassiens. Devant le nombre croissant des arrivants, les réfugiés partagent leur argent ou font la collecte auprès de quelques riches donateurs de Mardin syriens catholiques et chaldéens restés en liberté. Sinon, ils travaillent la terre ou échangent contre des céréales des aiguilles, du sucre ou de l’argent envoyés par leurs familles de Mardin. Hammo Chero les protègera contre les tentatives de vol de certains Yézidis.

4 – Dans le Sindjar, les réfugiés chrétiens célèbrent leur culte tout en respectant les coutumes des Yézidis. Rentré à Mardin en 1916, le père Tfinkdji sera remplacé par le laïc Fardjallah Kaspo qui collectera les dons et les vivres, les partagera et organisera les soins avant de mourir quelques mois plus tard. Au cours de l’été 1917, certains réfugiés vont se faire employer au chemin de fer à Tel Alif et El Derbassieh pour aider leurs familles restées au Sindjar.

5 – En mars 1918, devant le refus d’Hammo Chero de livrer ses protégés, un corps d’armée ottoman décide d’en finir avec le réduit rebelle de Sindjar. Sans attendre la décision des autres cheikhs de la montagne, Hammo Chero et quelques hommes vont multiplier les embuscades. Mais les adversaires atteignent et pillent Mamissa, puis le village de Chero où ils installent une administration turque. Entre-temps, les réfugiés gagnent les sommets ou se réfugient chez des Arabes Taï. La reprise du Sindjar par les Yézidis n’empêchera pas les chrétiens qui ont regagné les villages où ils habitaient de vivre dans la peur.

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