Ecrittératures

14 juillet 2021

« Le Candidat » de Zareh Vorpouni

Filed under: ARTICLES,GENOCIDE ARMENIEN — denisdonikian @ 7:50

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Le Candidat

 

1 – L’intérêt du roman Le Candidat [T’eknatsun] (Éditions Parenthèses, 2021, traduit en français par Marc Nichanian, initialement paru en 1967 à Beyrouth) de Zareh Vorpouni (né Zareh Euksuzian,1902-1980), consiste à présenter une chronique intime du survivant arménienen proie à une « maladie de la vengeance […] sans aucune sorte de haine ». Exercice littéraire évoquant les séquelles de la catastrophe par la mise en scène de ses victimes, il témoigne de l’héritage traumatique selon une transmission à trois niveaux : l’auteur et narrateur du crime sacrificiel Vahakn, l’ami et confident Minas et Zareh le récepteur final du récit, à savoir Vorpouni lui-même en train d’écrire un roman Le Candidat situé vers 1927, dans un quartier de Paris.

2 – Le roman s’ouvre sur la lettre de Minas à Archalouys lui annonçant le suicide de son « fiancé » (en réalité son mari) Vahakn. Or Minas, craignant d’être compris comme voulant succéder à son ami, n’est obsédé que par Nicole, une Française, tandis que Hortense, la patronne de l’hôtel qui l’emploie avec son ami Apkar, fera son « éducation amoureuse », même si elle méconnait la « petite maladie » de l’Arménien, qui pousse à un dégoût de soi mêlé de peurs (Minas) ou au meurtre. Vahakn étranglera Ziya, l’ami turc, en mal de pardon arménien : « Quelle est ma faute à moi, là-dedans ? »

3 – Point nodal du roman, la lettre de Vahakn confiée à Minas raconte le « mois à titre posthume » vécu entre le meurtre de Ziya et son suicide. Il enjoint Minas de haïr ce qui n’est pas arménien, « sinon nous sommes perdus ». Revenant sur son enfance, « une histoire de saleté », Vahakn rappelle comment, durant la déportation, arraché à sa mère, il provoqua sa mort et comment Fatma, la femme turque qui l’avait sauvé, allait, en le souillant par le viol, mettre en lui « le germe du meurtrier ». Devenu ainsi « candidat au turquicide »,Vahakn, dévoré par l’avilissement, développera une obsession de la fuite et de la purification par « du sang de Turc ». Amoureux d’une Arménienne, Ziya, devenu le double de Fatma, sera sacrifié par un Vahakn schizophrénique avant son apaisement par le suicide.

4 – Après la lettre de Vahakn, les repères de lecture se dissolvent dans le brassage des époques et parfois la volatilité des personnages, qu’ils soient défunts (Ziya, Vahakn) ou vivants (Minas, Apkar). Entre le mal d’une réappropriation identitairenourri par Vahakn (« l’art, c’est fait pour nettoyer l’âme »), les claudications physiques et intimes d’Apkar, un Minas perclus d’aliénation (« C’est Vahakn qui avait volé son âme ») ou une Archalouys minée par la phobie de la solitude, tous se tiennent inconsciemment pour de « sales Arméniens » baignant dans l’obscénité de la perteet les tortures de l’errance, à l’image de Monsieur Bentham qui, à vouloir « « sauver la patrie » avec ses poèmes », finit à Charenton.

5 – Invité par Vahakn à parachever son « brouillon de roman », Minas, en conflit avec lui-même, finit par se réfugier tant auprès de sa maîtresse Hortense que dans ses poésies, au point de fusion où onirisme et réalité se confondent. Après la lettre inaugurale du roman écrite à Archalouys, celle centrale laissée par son ami, Minas, impuissant, confie  à Zareh (Vorpouni) le soin de « faire voir l’âme » de Vahakn. Pratiquant une esthétique de la confusion, au risque d’abandonner le lecteur, Vorpouni nous plonge ainsi dans les eaux troubles de ces « restes de l’épée» arméniens qui échappèrent au génocide.

Denis Donikian

Aphorisme du jour (151)

Filed under: APHORISMES — denisdonikian @ 12:46

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Le bel écrivain aime tant jouir de sa parole qu’il perd le souci de qui en est privé.

 

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Ne pesant plus que 30 kilos, après 238 jours de  grève de la faim,  Ebru Timtik, avocate turque de 42 ans, est morte  le 27 août 2020 à l’hôpital.  Pour avoir réclamé «un procès équitable» après sa condamnation, l’an dernier, à treize ans de prison pour «appartenance à une organisation terroriste». Un genre d’ accusation devenu habituel contre les  opposants au pouvoir de Recep Tayyip Erdogan.

Leçons et façons du chat (9)

Filed under: Leçons et façons du chat — denisdonikian @ 4:39

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Le chat a la grâce d’une femme qui effleure mon âme.

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( Gribouille, photo Alain Barsamian, copyright)

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