Ecrittératures

30 avril 2022

POUR OSMAN KAVALA

Osman Kavala

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L’emprisonnement à vie d’Osman Kavala décidé, sans faits avérés, par un juge affilié à l’AKP, vient de donner une fois de plus la preuve que la République de Turquie ne pratique en rien la séparation des pouvoirs que tout pays dit européen est tenu d’appliquer. Sourd aux idéaux institutionnels reposant sur le droit, mais attaché à son égocentrisme nationaliste, le président turc a même le culot de se sentir humilié par les bouderies des Européens devant les multiples tentatives faites pour être accepté parmi eux et se constituer ainsi une virginité qui effacerait d’un trait tout négationnisme, emprisonnement arbitraire, massacres et autre occupation illégale d’un territoire.

Pour chaque citoyen européen, cet emprisonnement arbitraire, voulu par le président en exercice et exécuté par juge interposé, est la goutte d’indignation qui fait déborder le vase des indignités.

C’est bien connu. Tout démocrate est la bête noire de l’autocrate qui ne règne que par la terreur. Et c’est même à ça qu’on le reconnaît.

Outre Osman Kavala, les prévenus Mücella Yapici architecte, Çigdem Mater, documentariste, le militant des droits civiques Ali Hakan Altinay, la réalisatrice Mine Özerden, l’avocat Can Atalay, l’universitaire Tayfun Kahraman et le fondateur d’ONG turques Yigit Ali Emekçi, ont été condamnés à dix-huit ans de prison chacun, pour complicité du même chef d’accusation.

Affirmer sans preuve que ces citoyens turcs cherchaient à «  renverser le gouvernement de la république de Turquie » pour soutenir qu’ils seraient à l’origine des manifestations antigouvernementales du parc Gezi, à Istanbul, au printemps 2013, est une condamnation qui provoque la colère quand on sait que les accusés défendent une république républicaine contre les agissements d’une démocratie autocratique.

En tant que citoyens européens, nous demandons aux instances européennes de considérer comme infréquentable un président qui pratique le double langage, dont le seul intérêt est de défendre ses propres ambitions, quitte à manger à tous les râteliers, quitte à cracher dans toutes les soupes, pourvu que ses pions avancent et que ses appétits se concrétisent.

En tant que citoyens européens, nous demandons que les sanctions appliquées à l’autocrate Poutine n’épargnent pas l’autocrate Erdogan. Si l’Europe ne supporte pas le sang qui souille le gaz russe, pourquoi continuer à considérer comme acceptable une Turquie malade de ses peurs, de son arbitraire, de ses visées expansionnistes, tandis que son histoire aujourd’hui est aussi sanguinaire que celle d’hier. Aujourd’hui l’Ukraine envahie par un despote impérialiste comme le furent la Tchétchénie, la Syrie et la Géorgie, demain quel autre pays après Chypre, la Syrie par celui qui n’en fait qu’à sa tête en supprimant celle des autres ?

Il faut sauver Osman Kavala, Mücella Yapici, Çigdem Mater, Ali Hakan Altinay, Mine Özerden, Can Atalay, Tayfun Kahraman et Yigit Ali Emekçi…

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Démocrates turcs et génocide des Arméniens (8) : Osman Kavala

1 – Homme d’affaires turc, Osman Kavala, né à Paris en 1957, appartient à une famille originaire de la ville grecque de Kavala, (annexée en 1913), et qui, en 1924, après la chute de l’Empire ottoman, viendra s’installer à Istanbul. Après des études en sciences sociales à Ankara à la fin des années 1970, il part étudier les sciences politiques et la sociologie à Manchester et passe près d’une année à New-York dans les années 1980. Rentré à Istanbul, en 1982, il reprend les affaires familiales au décès de son père, héritant avec sa famille l’une des plus importantes fortunes de Turquie. A partir de 1985, il se rapproche des milieux culturels fréquentés par l’intelligentsia.

2 – En 2002, Osman Kavala crée Anadolu Kültür, afin de promouvoir des activités culturelles et faciliter des collaborations artistiques à Istanbul et en Anatolie. Dans ce but, des centres culturels seront ouverts à Diyarbakir et à Kars. Dès lors, seront mis en œuvre des échanges avec des artistes et institutions culturelles d’Arménie, en 2005, ainsi qu’une plate-forme commune de cinéma et des recherches en histoire orale. Un orchestre symphonique formé en juillet 2010, composé de jeunes musiciens des deux pays, a pu donner un concert à Istanbul et à Berlin. Anadolu Kültür a coproduit la pièce de Gérard Torikian, Le concert arménien ou le proverbe turc, (jouée à Diyarbakir et à Istanbul en novembre 2009) et Chienne d’Histoire, film d’animation de Serge Avédikian (2010).

3 – Au surlendemain des commémorations du génocide des Arméniens dans le monde et à Istanbul, Osman Kavala, directeur du Centre culturel DEPO, accueillit l’exposition d’Antoine Agoudjian intitulée « Les Yeux Brûlants » du 26 avril au 5 juin 2011. Avec Osman Kavala, avouera Agoudjian, « nous avons spontanément éprouvé l’envie d’agréger nos énergies, rejetant délibérément nos appréhensions, ayant pour seule motivation le vœu d’ouvrir une brèche face au rempart sectaire de l’obscurantisme pour enfin devenir les initiateurs d’un dessein utopique, celui de rendre pas à pas audible une voix qui ne l’était plus depuis 96 ans en Turquie ».

4 – Le 25 octobre 2014, lors d’un symposium organisé par la Fondation İsmail Beşikci de Diyarbakır intitulé « Diyarbakır et les Kurdes en 1915 », avec l’avocat Erdal Doğan et le coordinateur en charge du projet, Namik Kemal Dinçer, Osman Kavala a partagé ses réflexions sur le travail à mener par la société civile turque en vue d’une reconnaissance du génocide de 1915, problème devenu international, car la diaspora arménienne fait pression sur la Turquie par le bais des gouvernements et parlements d’autres pays. En ce sens, il estime que la démocratisation de la Turquie et la réparation de cette injustice historique constituent deux priorités tout à fait conciliables.

5 – Par ailleurs, lors de réunions récentes, des amis de la diaspora auraient précisé que la priorité sur la reconnaissance du génocide était d’établir des liens plus normaux et plus étroits avec leur terre ancestrale, de manière à pouvoir maintenir leur identité. Osman Kavala ajoute : « Tout comme nous considérons la «diaspora» comme constituée de «mauvais Arméniens», certains d’entre eux nous ont jugés de la même façon par le passé. Je pense qu’après le meurtre de Hrant Dink et le fait qu’une sensibilité nouvelle ait émergé au sein de la société civile, certains de ces préjugés revendiqués par la diaspora ont commencé à changer.»

Fiche extraite de la « Petite Encyclopédie du génocide arménien » (Geuthner, 2021)

29 octobre 2009

Entretien avec Gérard Torikian

A l’occasion de la représentation prochaine de sa pièce en Turquie, Le concert arménien ou le proverbe turc, (Voir l’annonce) Ecrittératures s’est entretenu avec Gérard Torikian:

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Ecrittératures : Comment a été mise en place cette représentation de ta pièce en Turquie et grâce à qui ?

Gérard Torikian : Le désir de porter le spectacle en Turquie, et en Arménie, remonte à sa conception. C’est en le jouant au festival d’Avignon il y a 3 ans, que ce désir a vraiment commencé à prendre forme. Un spectateur anonyme, de nationalité turque, assiste à l’une des représentations de la pièce, à l’issue de laquelle il me demande si je serais prêt à aller le représenter en Turquie. Il ajoute qu’il serait très honoré d’être l’artisan de cette tournée. Un an plus tard, je me retrouve à communiquer avec des intellectuels et des artistes turcs, qui accueillent cette perspective avec beaucoup d’enthousiasme et de chaleur. Aussi, la rencontre « physique » avec ces interlocuteurs s’impose d’elle-même, et me voici en partance pour Istanbul avec mon ami Serge Avedikian. Là, à travers toutes mes rencontres, je découvre auprès de ces hommes et de ces femmes, une implication artistique, et politique aussi, absolument extraordinaires. Parmi tous ces contacts, un homme remarquable qui allait devenir le co-producteur turc de la tournée du spectacle, Osman Kavala (Anadolu Kültür).

Ecrittératures :  Pourquoi en Turquie et pas en Arménie ?

Gérard Torikian : Ah… Il se trouve que le spectacle a été invité en Arménie, dans le cadre du festival « High Fest », c’était en Octobre 2007. En recevant cette invitation, j’étais très heureux bien sûr, car comme je l’ai dit tout à l’heure, j’étais convaincu que la vocation du spectacle ne serait remplie qu’une fois celui-ci représenté et en Arménie et en Turquie. En deux mots, et pour être franc, j’ai eu le sentiment que cette « invitation » n’était que de pure forme. Autrement dit, tout m’a paru compliqué, voire même démobilisant, décourageant, tant dans la communication avec les instances organisatrices que dans l’esprit qui l’animait. Sans pour autant attendre de me voir dérouler un tapis rouge à mon arrivée, j’ai réalisé petit à petit que je devrais tout prendre en charge moi-même, et prendre le risque, ce que j’ai fini par refuser, de représenter le spectacle dans de mauvaises conditions. J’ai fini par me dire que la chose se serait peut-être passé différemment si le propos du spectacle avait traité de botanique…

Ecrittératures :  Que représente pour toi cette prestation d’un point de vue symbolique ?

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Gérard Torikian : Il y aurait bien des choses à dire à ce sujet. C’est un acte fort, à titre personnel bien sûr, mais aussi à titre collectif. La chose essentielle à mes yeux réside dans sa dimension artistique, même si d’autres implications l’entourent inévitablement. Ma démarche artistique, et personnelle aussi, est disons pacifiante… pacificationnelle… pacifique. Que ce spectacle, co-écrit par un Français d’origine arménienne et une Française de pure souche, mis en scène par un Français né en Arménie, traduit en turc pour les besoins des représentations à Diyarbakir et à Istanbul, soit « offert » à un public turc en Turquie, voilà pour moi la symbolique la plus forte, à savoir celle de pouvoir donner à entendre et à voir haut et fort la multitude d' »amnésies », d’ignorances et de secrets bien gardés, poisons de la conscience et du corps de tout être humain.

Ecrittératures : Comment définir cette pièce somme toute très hybride, qui échappe en tout cas aux canons traditionnels et qui ne peut être jouée que par toi, ne serait-ce que pour les morceaux de piano ?

Gérard Torikian : Cette pièce est pour moi une sorte de sésame. Elle suscite l’interrogation, la mise en distance vis-à-vis de nous-mêmes. Elle réclame de moi, et à travers moi de tout un chacun, de sortir de nous-mêmes pour mieux être nous-mêmes. Elle impose la légèreté, la farce même, la nécessité de se traverser soi-même pour être en mesure de vivre l’intolérable héritage de l’Histoire. A l’inverse, elle peut n’ouvrir aucune porte en nous, surtout si nous n’avons pas la moindre idée de ce que peut être une porte et de l’endroit où elle se trouve en nous. Dans ce cas, la pièce n’est plus un sésame, mais un concombre ou une asperge.

Mon credo pourrait se résumer dans cette phrase : « Pour être en paix avec son passé, il faut apprendre à se jouer de lui en riant ». Pour ce qui est de l’impératif à ce que je sois seul à pouvoir la représenter, cela reste à voir… Il me semble que j’aimerais beaucoup la découvrir assis dans le public, mais je suis persuadé également que la richesse de cette expérience est intimement liée au fait que ce soit moi qui la serve.

Dans cette pièce génocide et volonté de dialogue semblent fortement imbriqués. Oublier, réparer, pardonner… ?Comment devenir sourd au chant des Sirènes ?

Le génocide perpétré contre les Arméniens par les Jeunes Turcs est une monstruosité du passé. De quel autre outil que le partage et le dialogue disposè-je au présent en tant qu’artiste ?

Comme il est dit par le personnage dans le spectacle, s’adressant à deux marionnettes, l’une arménienne, l’autre turque : « C’est quoi, votre problème, à tous les deux ? » Interloquées, l’une et l’autre ne peuvent faire autre chose que de rester campées sur la « tradition de loyauté » de leurs cultures respectives, interdisant totalement une transformation profonde de leurs comportements. Que faire d’autre que parler et écouter, avec bienveillance « si possible » ?

Parler et écouter pour apprendre de l’autre, de l’autre qui vit aujourd’hui dans le monde d’aujourd’hui, bien loin de ce drame du passé ? Or, si je me mets à douter de la parole de l’autre, que va-t-il se passer ? Je ne l’écouterai plus, je ne l’entendrai plus. A moi, le cortège infini des ombres d’une mémoire lointaine. A moi, le retour à la case départ de la haine.

Une dernière phrase du spectacle dans ce sens, dite par la défunte Mère du personnage  : « Tu pourris ta vie en la trempant jour après jour dans le jus de mort du passé, de sorte que tu continues l’oeuvre des criminels. Idiot ! »

Ecrittératures :  Qu’avez-vous fait, d’un point de vue technique, Serge Avédikian et toi-même, pour rendre cette pièce compréhensible par un non francophone ?

Gérard Torikian : Il serait préférable de poser la question à Serge en ce qui concerne son travail de metteur en scène du spectacle. Pour moi, j’évoquais tout à l’heure les notions d' »amnésies », d’ignorances et de secrets. Ces notions, chaque homme et chaque femme, quelle que soit leur nationalité, les portent en eux, quand bien même ils n’en ont pas conscience.

Une seconde notion, partagée, sinon par tous les peuples, en tout cas par bon nombre d’entre eux, voire partagée par des ethnies ou des régionalismes vivaces, est celle d’un drame du passé, de luttes fratricides, d’une tragédie de l’Histoire. Cette volonté d’ouverture a accompagné l’écriture de la pièce à chaque instant. Comme on dit, on n’est jamais autant universel qu’en évoquant ses spécificités culturelles et personnelles. Je n’ai jamais souhaité écrire ou jouer un spectacle communautariste, tout simplement parce qu’à mes yeux une telle démarche est tournée vers le passé et l’enfermement. L’un des témoignages les plus inattendus est certainement celui d’une jeune spectatrice française venue assister à l’une des premières représentations du spectacle. Elle me confie qu’elle a eu un peu de mal à « rentrer » dans le spectacle au début, et qu’à un moment donné, lui est revenu en mémoire un pan de son histoire vendéenne que lui avait livré son grand-père. Elle m’a simplement remercié pour avoir retrouvé cette partie d’elle-même.

Ecrittératures :  Attends-tu des répercussions concrètes de cette représentation ?

Gérard Torikian : Oui et non. Oui. Mon souhait le plus cher, en tant qu’artiste – j’ai déjà quelques idées à ce sujet – serait de créer en collaboration avec des artistes turcs, kurdes, et autres… Non, sans être gasconian, dans le sens où je ne n’attends rien d’autre de la tournée en Turquie que ce qu’elle va m’apporter dans le présent, les 12, 16 et 17 Novembre prochains.

Je m’en satisfais entièrement.

Ecrittératures :  Tu as récemment collé ta voix sur des  textes de Denis Donikian dans un CD intitulé Une Nôtre Arménie. Peux-tu dire pour quelles raisons tu t’es prêté à ce jeu de massacre ?

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Gérard Torikian : Je ne pourrai dévoiler certaines de ces raisons qu’à Denis Donikian « hors interview », car trop personnelles. Pour le reste, j’ai pris un plaisir immense à lire ses textes, tout simplement parce qu’ils me touchent énormément. Ce mélange d’apparente cruauté envers ses congénères, de plume sans complaisance aucune, sans la moindre concession, cachent l’exigence d’une relation d’amour à son « Peuple » comme à une « bien-aimée ». « Qui aime bien châtie bien ! » En ce qui le concerne, je lui préférerais la formule suivante : « Qui vénère bien massacre bien ! »

Denis Donikian : Ch…Ch… Chnor…Chnoraga… gaga..loutyoun Barone Gérard Torikian.

 

Site de Gérard Torikian : http://www.gerardtorikian.com/

24 juillet 2009

Danse du ventre et plumes de paon à l’adresse du Collectif VAN

 

Dans votre compte-rendu, daté du 23 juillet 2009, de la seconde partie  de l’article intitulé : « 3 jours avec la diaspora arménienne » écrit par Baskin Oran, vous notez ceci :

« [Nota CVAN : Baskin Oran a précisé dans le premier opus de son compte-rendu, qu’il s’agissait là de sa première vraie rencontre avec la diaspora arménienne. Cela ne l’empêche pas d’avoir malgré tout, au sujet de cette diaspora, des certitudes pour le moins curieuses. Les débats publics existent en diaspora depuis plusieurs décennies et sur tout type de sujets. Ce type de débat, où chacun vient vider son sac et partager ses angoisses et ses idées, ce serait même plutôt une ‘maladie’ arménienne… »

En effet, on peut admettre que, par exemple, le cas de l’Arménie soviétique ait fait débat – et quel débat ! – au sein de la diaspora arménienne de France, ainsi que les premières commémorations du génocide dans les années soixante, surtout quand nous demandions aux commerçants arméniens de fermer leur magasin en signe de deuil, plus tard les actions de l’ASALA, hier les propos de Hrant Dink favorables à l’entrée de la Turquie dans l’Europe, puis son opposition farouche à la pénalisation du génocide, aujourd’hui la pétition de pardon des quatre intellectuels turcs pour avoir utilisé le terme de Medz Yeghern plutôt que celui de génocide.

À ce propos, vous avez  affiché dans vos colonnes, tant à ma demande que sur la sollicitation de votre présidente, l’article que j’avais écrit intitulé : Grande catastrophe ou génocide : réplique à Cengiz Aktar.

Cependant, cette propension à débattre qui semble être selon vous une « maladie » arménienne,  ne me paraît que partiellement confirmée par votre Collectif.  Après avoir reproduit le discours de Laurent Leylekian à Althen-les-Paluds, vous avez tenu à rendre compte des deux premiers articles écrits par Baskin Oran sur ces trois journées et parus dans le journal turc  Radical. Mais j’ai été surpris que ne figurent pas au bas de votre traduction commentée, parmi les références des différents textes  destinés à éclairer vos lecteurs et à animer le débat, les deux articles que j’ai écrits sous le titre général de « Accords et désaccords avec Laurent Leylekian » parus sur mon blog  que vous semblez pourtant connaître. Bien sûr, vous êtes en droit de  m’objecter que vous n’étiez pas au courant. Pourtant, il a été affiché dans le« Armenian and Turkish scholars workshop » de Fatma Muge Goçek et facile à trouver avec Google.

Le fait que vous ayez trouvé ma réplique à Cengiz Aktar et non celle à Laurent Leylekian me laisse pantois. Je n’irai pas jusqu’à penser que vous retenez ce qui vous convient et négligez ce qui vous dérange. Je m’étonne également que ces articles aient échappé à cette vigilance sur laquelle repose votre action. Et si je devais m’en tenir à la citation évoquée plus haut : Les débats publics existent en diaspora depuis plusieurs décennies et sur tout type de sujets, je vous trouverais plus cohérents si vous le prouviez en ajoutant mes textes à ceux du dossier. Il serait fâcheux que ces deux articles paraissent en Turquie et que notre communauté n’en soit, pour sa part, pas informée. D’autant que Nouvelles d’Arménie Magazine en ligne n’a pas fait mieux que vous. Faut-il penser que notre diaspora débatteuse ait de plus en plus tendance à choisir ses débateurs ? Oui, je le pense.

En tout cas, il me semble assez déplorable d’avoir à rappeler que mon travail fait l’objet d’un ostracisme sournois et que je suis obligé d’en arriver à faire ce rappel.

Cet exemple n’est d’ailleurs pas isolé puisque les deux livres que je vous ai envoyés ( Vers L’Europe et Erevan 06-08) depuis plusieurs semaines n’ont curieusement fait l’objet d’aucune mention dans vos informations quotidiennes. Je peux concevoir qu’un lecteur capable d’en faire une recension ne se trouve pas sous le sabot d’un cheval, mais est-ce trop demander, comme vous le faisiez auparavant d’ailleurs, de tenir vos lecteurs informés de leur parution ? Cette omission me paraît d’autant plus curieuse que l’un de ces livres traite précisément du négationnisme et du dialogue arméno-turc, c’est-à-dire de ce qui représente, mutatis mutandis, la pointe de votre combat pour ne pas dire votre fonds idéologique. Que je sache  je n’ai pas écrit un conte à dormir debout pour que cette demande soit considérée comme indue. J’ai moi-même recensé des contes sur le site de Yevrobatsi avec le même intérêt que je l’ai fait pour des livres d’histoire. Dois-je me transformer en danseuse du ventre et m’empanacher l’arrière-train de plumes de paon pour attirer votre attention et chatouiller votre curiosité ? Ce manquement au devoir d’informer sur la chose même qui constitue votre pain quotidien me paraît d’autant plus regrettable que mes livres que j’ai fait imprimer à Erevan ne trouvent pas en diaspora le soutien qu’ils pourraient en attendre. Si, comme vous le prétendez, les débats sur tout type  de sujets existent en diaspora depuis des décennies, je ne vois guère les organisateurs et les lieux de ces débats prendre en compte tous les éléments qui le nourrissent.

Enfin, il est regrettable que vous n’ayez éprouvé aucun doute sur le jeu de mot de fort mauvais goût que Baskin Oran aurait fait à propos du nom de Laurent Leylekian. Quand on veut diaboliser un homme, on devient soi-même diabolique. Comme si Baskin Oran était assez sot pour combler son manque d’arguments par une moquerie. Comme s’il était homme, déjà fort exposé, à se jeter aussi naïvement sous les dents de ses détracteurs. De fait, renseignements pris, Leylekgiller (la famille des leylek/cigognes) n’a rien à voir avec Leylekian, mais avec les nationalistes turcs. Pour dire, que d’un côté comme de l’autre, les nationalistes se ressemblent tous. Même Osman Kavala semble être tombé dans le panneau.

Cela dit, comme membre fondateur du Collectif VAN, je serais mal venu de dénigrer le travail accompli au quotidien par votre équipe. Je le reconnais comme essentiel et indispensable. Cependant, comme vous défendez votre travail, vous me permettrez de défendre le mien.

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Lire : Foi et entropie (5) : l’écriture dans le noeud de la fin

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